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général Voirol au ministre de la Guerre. Je donnerais tout ce que je possède pour que la malheureuse allaire de ce matin n’ait pas eu lieu et pour qu’Aimé n’eût pas été ici, à Strasbourg, aide de camp du lieutenant général.


Journal de Valérie (suite).

Le vendredi 4 septembre, une fois en sûreté dans mon auberge de Kehl, j’y ai fait une sorte d’installation, j’ai écrit beaucoup et je n’ai pu dormir après tant de souffrances morales et physiques. J’avais la veille écrit à la Reine, pour lui dire mon retour à Kehl, plus toutes les feuilles numérotées 5, 6 et 7, que je joins ici, que je préparais pour les envoyer dans un paquet par la diligence qui partait le lendemain.


Kehl, vendredi 4 novembre 1836, à 2 heures.

(N°5.) Je vais enfin pouvoir vous écrire plus intelligiblement, et ceci compensera un peu pour moi l’ennui de ma position ici. Je vous ai dit mon arrivée à Strasbourg chez Sabine, qui était, de toutes nos relations, celle où je trouverais le plus de sûreté et de dévouement ; elle est plus que moi encore liée avec le médecin (le général), et c’est ce qui avait déterminé mon choix. À peine débarquée, j’ai couru chez lui, avec elle ; il était entouré, en affaires de consultation, et le moment d’attente m’a paru cruel ; il était encore couché, et, bon gré mal gré, nous sommes arrivées à son lit. Je l’ai trouvé ulcéré de ce qu’après l’avoir consulté d’abord par lettre et puis en personne, après son opinion franche et loyalement exprimée, il y a trois mois, on avait agi dans un sens inverse de ses conseils ; mais son bon cœur et sa générosité naturelle l’avaient déjà emporté sur sa rancune. Même avant de m’avoir vue, toutes ses actions, ses paroles, ses écrits ont été ce que nous pouvions désirer, m’a-t-il dit, et sitôt que, la veille, il avait eu reçu la lettre de la malade (le Prince), il était accouru près d’elle et, dans une heure de conversation lui avait dit tout ce qui pouvait lui faire du bien à entendre. Il m’a offert de m’y conduire, de lui donner de mes nouvelles, de vous en donner des siennes.

Une heure après, les choses changeaient, non pas pour lui,