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Et cette âme nouvelle, miraculeuse, sera capable de toutes les improvisations secondaires.il faudra retenir l’élan des belles attaques à la baïonnette, on le retiendra ; creuser la terre et s’y tapir pendant six mois, on l’acceptera ; supporter les souffrances que l’on sait, on les supportera. Les marins ont quitté les vaisseaux et sont allés à Dixmude. Les cavaliers sont descendus de cheval et sont entrés dans les tranchées. Que faut-il faire encore ? On le fera. D’une façon générale et, mutatis mutandis, on pourrait presque dire que la bataille se livre entre la science allemande et l’optimisme vital de la France.


VI

Cette opposition entre l’intelligence et l’instinct a besoin qu’on l’explique. Elle n’est ni générale ni absolue. L’instinct demande à l’intelligence son concours, dont il ne peut d’ailleurs se passer ; mais, quand le danger est extrême, il entend la soumettre à une certaine discipline, afin que son effort s’accorde avec Je sien. Il dit à l’intelligence : « Donne-moi tes moyens, tes procédés, tes instrumens, tes méthodes, tes calculs, ta science, toute ta science. La préparation de la guerre est insuffisante, parce que tu restas sourde à certains appels, où je faisais passer l’alarme ; d’autres objets te retenaient que tu trouvais délicieux. Ne revenons pas sur le passé. Unissons-nous : ce sera vraiment l’union sacrée. Ton empire est grand sur la matière : forge-moi l’arme dont j’ai besoin. Qu’elle soit solide, adaptée, très moderne, très scientifique. Tu représentes la Matière, et moi l’Esprit d’où sort l’énergie qui doit manier l’arme. Prends garde que rien de toi ne vienne amollir cette énergie. Précisément il est des parties, où tu excelles, la méditation, l’analyse, le raisonnement, la critique, qui sont des dissolvans de l’énergie. Prends garde que certaines choses, même légères, un mot, un geste, un ricanement, un sourire, un rien, ne soient inhibition pour mon énergie superbe et continue. »

Rien de plus juste que ce langage. L’instinct d’ailleurs ne manque pas de prudence. Il y a des rencontres, des livres, des journaux qu’il évite ; il en préfère d’autres. L’article de tel écrivain, reçu le matin, au réveil, est une lecture dont la vertu tonifiante se fait sentir toute la journée. Voici plusieurs journaux qui donnent exactement les mêmes nouvelles : on va vers