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l’ambassade de Berlin, M. Lopatka, a été frappé sur la tête d’un coup de gourdin qui aurait pu avoir les suites les plus funestes sans l’opportune résistance d’une casquette très dure, entièrement écrasée. Moins heureux, le secrétaire d’ambassade Chrapovitzky a emporté de Berlin une plaie profonde dans la région frontale, suivie d’une abondante effusion de sang, et qui lui a imposé l’obligation de s’arrêter à Copenhague, pour se confier aux soins d’un médecin.


Quant aux consuls russes dans les grandes cités d’Allemagne, ceux-là, presque partout, ont été simplement traités comme autant d’« espions » quasi « professionnels. » Une demi-douzaine au moins d’entre eux, dont la relation officielle nous fait connaître les noms, doivent probablement avoir été fusillés, car aucune trace de leur existence n’est parvenue aux autorités russes, depuis le jour de la déclaration de la guerre. Pour d’autres, on a su récemment, par l’entremise de diplomates américains, qu’ils étaient vivans et seraient retenus en prison jusqu’à la conclusion de la paix.

Vient ensuite, dans la relation officielle, un récit abrégé des mésaventures du sénateur et chambellan russe M. de Bellegarde, qui avait été délégué par son gouvernement à Leipzig, en qualité de commissaire de la section russe d’une Exposition Internationale. Chaque détail du passage consacré à ces mésaventures nous est, en outre, expressément confirmé par un long et émouvant témoignage de M. de Bellegarde lui-même, au cours d’un entretien de celui-ci avec M. Rezanof. Nous y lisons, notamment, de quelle façon le commissaire russe, qui toujours jusque-là n’avait eu qu’à se louer de l’attitude parfaitement courtoise et déférente des autorités de Leipzig, a été brutalement arrêté, le jour même de la déclaration de guerre, en compagnie de ses collaborateurs. Relâché le lendemain avec des excuses, M. de Bellegarde a été bientôt emprisonné de nouveau. « Cette fois, l’administration l’a traité comme un criminel de droit commun. Après lui avoir enlevé son argent et tout le contenu de ses poches, on l’a enfermé dans une cellule de sept pas de long sur quatre pas de large ; et à peine M. de Bellegarde y était-il entré qu’on lui a ordonné de se mettre à nu, et puis de marcher de long en large, les bras levés au-dessus de la tête. » La nuit suivante et toute la journée du lendemain, le commissaire officiel du gouvernement russe à l’Exposition de Leipzig a été laissé dans cette « cage, » absolument sans aucune