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quelques régimens qu’ils auraient pu envoyer aux Dardanelles. »

Comme ces Balkaniques se connaissent entre eux et avec quelle justesse ils parlent les uns des autres ! On s’instruit en les écoutant. Mais on devine bien que si M. Ghenadief déprécie le concours que la Grèce aurait pu nous donner, — et aussi la Roumanie, car il en parle également, — c’est pour faire valoir l’appui que nous apporterait, si elle le voulait, la Bulgarie. Il nous ouvrirait la route de Constantinople et « la prise de Constantinople, assure M. Ghenadief, serait un grand coup moral qui déplacerait la puissance de l’Allemagne. Elle abrégerait la guerre de plusieurs mois, épargnerait aux Alliés cent mille soldats et quarante milliards ! Elle ne serait pas la fin de l’Allemagne, mais elle donnerait le moyen d’organiser rapidement la victoire finale. » On pense bien que M. Ghenadief, quand il développe ainsi les avantages décisifs que nous apporterait le concours de la Bulgarie, a pour objet principal de nous préparer à quelque chose. « C’est pourquoi, continue-t-il, nous voulons être payés. Nous voulons que la Macédoine redevienne bulgare, car elle est habitée par nos fils. La France avait à reprendre l’Alsace-Lorraine, l’Italie Trieste. Nous avons, nous, quatre Alsace à reprendre : la Thrace turque, la Macédoine serbe, la Macédoine grecque et la Dobroudja. La Grèce s’agrandira en Asie Mineure et dans l’Albanie du Sud ; la Roumanie en Bucovine et au Banal ; la Serbie va doubler et peut-être tripler son territoire par l’annexion de l’Albanie centrale et de la Bosnie-Herzégovine. Et alors nous devrions, nous Bulgares, nous laisser étrangler ! Nous voulons occuper immédiatement la partie de la Macédoine détenue par la Grèce et par la Serbie. La Serbie, destinée à devenir souveraine de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, d’une partie de la Dalmatie et de l’Albanie, refuserait de nous rendre la Macédoine bulgare ? Les Alliés ont enfin compris que nous mobiliserons dès que sera résolue la question de Macédoine. La Quadruple Entente nous a fait des propositions inacceptables, qui ne peuvent être que les bases sur lesquelles on peut espérer l’accord. J’estime que j’ai raison de croire au succès final de la Quadruple Entente. L’Allemagne aura encore ici et là des succès, mais la chute de Constantinople sera pour les Austro-Allemands le commencement de la fin. » C’est ainsi que parle M. Ghenadief : on ne lui reprochera pas de manquer de clarté.

Nous serions enchanté que la Bulgarie réalisât ses aspirations et qu’elle obtint tout ce qu’elle désire ; mais elle nous demande de le lui donner en bloc et tout de suite, en quoi elle met à son intervention