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et ses huit collègues, — mais en nous instruisant à mépriser et à détester davantage, chez les Allemands, une « mégalomanie » qui pourrait sembler excusable de la part d’une race inintelligente, tandis qu’elle aura toujours de quoi nous paraître odieuse si, vraiment, elle s’accompagne « de quelques-uns des plus précieux attributs intellectuels des anciens Grecs ! »

Après quoi le professeur Paterson nous assure bien, dans sa préface, que lui-même et ses huit collaborateurs « n’ont pas eu l’occasion de discuter un plan ni une attitude d’ensemble, non plus que de confronter leurs diverses conclusions. » Mais c’est donc que le professeur écossais savait d’avance le tour d’esprit et les sympathies des éminens collègues ainsi rassemblés : car le fait est qu’il n’y a pas un seul des chapitres du recueil qui ne soit expressément un « éloge » de la civilisation, de l’esprit, ou de l’art allemands. Il y a plus : chacun des neuf auteurs examine, en quelque sorte, son sujet d’un point de vue tout « absolu, » sans presque jamais s’occuper de comparer, par exemple, à la littérature, ou à la peinture, ou à la musique allemandes, le développement simultané ou antérieur de ces mêmes arts dans les autres pays. Que l’on se figure une série de neuf longs chapitres distincts, décrivant tel ou tel domaine de la civilisation allemande comme le feraient les sections d’un « manuel » scolaire ! Et toujours la « conclusion » qui ressort des chapitres est que, « dans tous les départemens supérieurs de la vie et de l’œuvre de l’esprit humain, » l’Allemagne a creusé une « empreinte très profonde. »


Eh bien ! non, cette conclusion n’est pas vraie, et je viens, à mon tour, protester contre elle, non point certes avec l’autorité d’un savant professeur, mais avec la certitude longuement réfléchie d’un « amateur » qui, pendant un quart de siècle, n’a point cessé d’observer d’assez près l’évolution de plusieurs des principaux « départemens de la vie intellectuelle et esthétique » de l’Allemagne. Non, je l’affirme du plus profond de mon cœur, — et voilà plus d’un quart de siècle que j’ai commencé à l’affirmer déjà ici même : il y a maints domaines de la pensée et de l’art où l’Allemagne n’a pas creusé « une empreinte très profonde. »

Il me serait même facile de prouver que, jusque dans les domaines où elle a excellé, son besoin naturel d’obéir l’a condamnée à devoir attendre l’impulsion du dehors. Pour émouvante et délicieuse qu’ait été à Cologne, pendant une trentaine d’années, la peinture « musicale » de l’école d’Etienne Lochner, c’est cependant de nos peintres et