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autorité en faveur d’une théorie suivant laquelle, dans les domaines de la science, de l’art, et de la littérature, l’Allemagne n’aurait joué qu’un rôle de second plan. Mais pour compréhensible que soit, humainement, une telle attitude, elle est tout aussi injuste et déraisonnable que les ambitions énoncées par l’Allemagne dans ses pires accès de mégalomanie. Sans l’ombre d’un doute possible, les Allemands sont un des grands peuples de l’histoire, combinant en soi une partie des attributs intellectuels et esthétiques des anciens Grecs avec la sagesse pratique des anciens Romains ; et très substantielle a été leur contribution au trésor commun de l’humanité civilisée. Ils ont laissé leur empreinte, — et souvent une empreinte très profonde, — dans tous les départemens supérieurs de la vie et de l’œuvre de l’esprit humain. L’objet du livre qu’on va lire sera précisément d’offrir au public anglais un compte rendu quelque peu détaillé de ce que l’Allemagne a ainsi accompli dans les sphères principales de l’activité humaine, — avec un effort constant, de la part des auteurs, à estimer la valeur de cette « contribution » de l’Allemagne sans l’ombre de prévention ni de parti pris.


Voilà donc la tâche que se sont proposée M. Paterson et ses huit collègues, en un moment où non seulement des centaines de leurs anciens élèves étaient en train de périr dans les plaines des Flandres ou de l’Artois, asphyxiés par les gaz délétères que venait de composer à leur intention la chimie allemande, mais où d’autres représentans de la science d’outre-Rhin étudiaient les moyens de procéder avec plus d’ampleur au massacre de milliers de femmes et d’enfans anglais, surpris au milieu de leur sommeil par les bombes incendiaires d’une flottille de Zeppelins ! C’est ce moment tragique de l’histoire de leur race qu’ont choisi les éminens professeurs écossais ou anglais pour tâcher à corriger l’ « erreur » commise par les journaux de leur pays, touchant la civilisation et la pensée allemandes ! Ces journaux ne s’étaient-ils point permis d’insinuer que la « contribution » de l’Allemagne aux progrès de l’humanité pouvait bien n’avoir été que « de second plan ? » En présence d’une insinuation aussi « injuste et déraisonnable, » comment M. Paterson et ses collaborateurs auraient-ils hésité à prendre passionnément la défense de l’Allemagne, — eux qui savaient que celle-ci « combine en soi une partie des attributs intellectuels et esthétiques des anciens Grecs avec la sagesse pratique des anciens Romains ? »

— Non, certes, — me répondront sans doute ces messieurs, — aucune hésitation ne nous était possible ! Le moment n’importe pas, lorsqu’il s’agit de corriger une erreur ; ou plutôt c’est toujours le moment le plus proche qu’il convient de saisir. Auriez-vous donc voulu que, instruits comme nous l’étions de la grandeur allemande,