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directeur un long questionnaire, où l’on saisit sur le vif la séduction qu’elle exerçait partout, le plaisir secret et les scrupules qu’elle en avait, ses alarmes, ses complaisances, toutes sortes de choses qui nous font sourire et qui la faisaient pleurer peut-être.

« Vous m’avez dit, monseigneur, qu’il suffisait de traiter tout le monde avec politesse, et que je pouvais marquer de la distinction à certaines personnes qui en méritent… Je ne voudrais pas aussi être obligée d’éviter celles qui tiennent à moi d’une manière plus vive. — Réponse : Celles-ci font plus de difficulté que les autres, parce que la liaison en est trop humaine, et sujette à de grands inconvéniens… — Vous m’avez dit que la règle de saint Paul (Philipp. II, 4) empêche de préférer ceux qui ont du goût pour nous à cause de ce goût, mais non de s’en servir pour les porter à Dieu. — Réponse Autant que le peut permettre l’édification de la communauté, qui doit être préférée à tout. — Vous êtes convenu que je peux avoir des manières ouvertes, affables et attirantes. — Réponse : Le tout par rapport à Dieu et au bien des autres, non pas pour s’attacher les personnes. — Je pourrais éviter ou rechercher ces personnes d’une manière qui paraîtrait un hasard ? — Réponse : Il ne faut point d’affectation… — Je remarque bien qu’on m’évite, quoiqu’on le fasse avec adresse ; celles que j’éviterais le remarqueraient peut-être de même. — Réponse Quel mal que cela soit remarqué secrètement, et qu’on fasse sentir qu’on craint le sensible, qui est la source des attachemens particuliers ? — Il m’a paru que cela irritait la passion en quelqu’une de ces personnes. — Réponse : Il y a donc de la passion, et il n’est pas permis de la nommer. Si elle s’irrite par les remèdes, c’est signe que la maladie est grande. — Vous êtes convenu qu’il faudrait, pour guérir ces sortes de maladies, de vraies absences, et que celles de quelques jours ou de quelques semaines n’y feraient rien. — Réponse : J’en conviens encore. — Je me souviens en ce moment de ce mot de M. de La Rochefoucauld : « L’absence augmente les grandes passions, et diminue les médiocres, comme le vent éteint la bougie, et allume le feu. » — Réponse : Vous citez en ce fait un mauvais auteur…- »

Et cela continue pendant des pages… Bossuet la suit patiemment dans tous ces détours d’un cœur de femme, patiemment et sévèrement. Et il conclut : « Dieu veuille vous éclairer, et