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vous puisse répondre à la marge ; et par-là vous serez sûre de votre secret.

Ainsi fut fait. Nous avons ce long et curieux document. C’est, de la part de Mme de la Maisonfort, un examen de conscience minutieux et raffiné, inquiet, subtil, — certains diront d’une subtilité excessive ; mais qui peut porter un jugement en ces matières, s’il n’en a quelque expérience personnelle ? Reconnaissons plutôt notre incompétence ; écoutons seulement cette femme dire d’elle-même, avec une grande clairvoyance : « J’ai naturellement l’esprit plus réfléchissant qu’une autre, l’imagination vive, en un mot une prodigieuse activité ; la conscience timide, même portée au scrupule ; et un amour-propre qui veut toujours se complaire dans son ouvrage, et s’assurer de faire quelque chose. » Ajoutons-y un autre témoignage, celui du cardinal de Bausset, dans son Histoire de Fénelon : « On est étonné de voir d’un côté la finesse, l’esprit, la subtilité, la délicatesse d’esprit avec laquelle une simple religieuse analyse des matières si abstraites ; de l’autre la clarté, la simplicité, la finesse de raisonnement qu’un homme d’un rang et d’un génie aussi élevé que Bossuet daigne employer. »

Mme de la Maisonfort écrivit à Bossuet une troisième lettre pour le remercier. Puis, sur sa demande, il vint la voir, le 30 mai 1696. Elle raconte ainsi cette visite à Fénelon :

« La conversation que j’eus avec lui augmenta l’idée que j’avais de sa piété et de sa bonté. Il me parla de vous, monseigneur, comme d’un saint d’une grande lumière, qu’il aimait avec tendresse ; il me dit que vous étiez intimes amis, et unis comme les doigts de la main ; qu’il n’avait jamais vu en qui que ce soit tant de droiture, de candeur et de simplicité qu’en vous ; qu’il fallait vous en savoir gré, puisqu’il ne tenait qu’à vous de n’être pas simple.

« Je la serai assez pour ajouter qu’il me dit aussi que vous poussiez trop loin le désintéressement de la charité, etc. ; qu’il regardait cela comme un court éblouissement dont je ne devais point m’inquiéter, parce que, de la droiture dont vous étiez, vous en reviendriez.

« Je lui demandai si cela était assez de conséquence pour qu’il y eût de l’inconvénient à s’abandonner à votre conduite. Il me répondit que, jusqu’à ce que vous fussiez revenu sur