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s’insinuait doucement dans la maison. Mme de la Maisonfort demeurait froide et se réservait. Elle rendait à sa cousine quelques « visites d’honnêteté. » Elle l’écoutait discourir, mais n’était pas conquise. » Mme Guyon, trouvant en elle tant de résistances, la raillait quelquefois en lui disant : « Pour vous, ma cousine, il vous faut un bonnet quarré pour vous conduire ! »

En 1688, à la suite d’intrigues fort basses, Mme Guyon, suspectée d’hérésie moliniste, vit embastiller et exiler son directeur, le Père de la Combe, puis fut elle-même mise en pénitence au couvent de la Visitation de la rue Saint-Antoine. L’abbé Jossau, confesseur de Mme de Maintenon, engagea Mme de la Maisonfort à intercéder pour sa parente. Elle s’y prêta, par esprit de famille. Mais le Roi, fort prévenu, ne voulut rien entendre. On fit intervenir alors Mme de Miramion. La charmante Mme de Miramion, que la renommée de ses vertus rendait invincible, l’emporta sur l’esprit du Roi ; elle obtint l’élargissement de la « sainte, » au mois d’août 1688.

Mme Guyon revint parmi ses amies, avec une auréole nouvelle. On la revit à Saint-Cyr ; elle s’entretenait librement avec les Dames ; parfois, pour prolonger ses visites, elle couchait dans la maison. On l’y goûtait, on l’y admirait de plus en plus.

Mme de la Maisonfort n’était pas encore, je crois, tout à fait gagnée. Mais elle avait entendu Mme Guyon parler de l’abbé de Fénelon, vanter « sa piété, son esprit, sa pénétration, son expérience des voies intérieures. » Elle désira le connaître. Une entrevue secrète leur fut ménagée, à Versailles, dans les appartemens de la duchesse de Béthune. Mme de la Maisonfort fut charmée. Elle crut avoir trouvé l’homme qui lui donnerait la lumière qu’elle cherchait, et elle demanda à Mme de Maintenon la permission de consulter l’abbé sur sa vocation. Cela lui fut accordé ; elle se mit aussitôt sous la direction de Fénelon ; et nous avons vu que, pendant deux ans, l’influence, les soins, la main douce et ferme de Fénelon la conduisirent, au milieu de tant d’incertitudes, jusqu’à sa profession religieuse.

Ainsi, Mme de la Maisonfort a résisté à Mme Guyon ; elle s’est livrée à Fénelon. Il faut sentir cette différence pour mettre toutes choses au point, dès l’abord. Sans doute, une imagination vive, un esprit « prodigieusement fertile en réflexions, » la portaient à goûter la spiritualité nouvelle. Mais on parlera