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Mme de la Maisonfort suivit le petit troupeau que l’on conduisait vers un nouveau sacrifice.

Alors, Mme de Maintenon fit venir du couvent de Sainte-Marie de Chaillot la supérieure des filles de la Visitation, la mère Anne Priolo, et deux de ses sœurs. Elle leur donna le gouvernement de la maison, et celui des âmes. Toutes les Dames de Saint-Louis, en grande pompe, devant les demoiselles assemblées, se dépouillèrent de leur manteau, de leur voile et de leur croix d’or, s’agenouillèrent, et reçurent pour la seconde fois l’humble habit des novices. Ce ne fut pas seulement une parade.-, Elles ne reprirent point le lendemain, ni trois mois après, leurs grades et leurs libertés. Un nouveau noviciat commença pour elles, plus rigoureux que le premier, où les filles de la Visitation ne leur épargnèrent ni les austérités, ni les humiliations, ni tout ce dur calvaire qu’on impose aux âmes qu’il faut faire mourir à elles-mêmes.

Au bout de six mois d’épreuve, trois des Dames voulurent se retirer dans d’autres couvens ; une quatrième persista dans ses vœux simples, par humilité. Avec les dix-neuf autres, Mme de la Maisonfort tenait bon.

Veut-on savoir quel témoignage les religieuses de la Visitation rendirent bientôt de leurs nouvelles ouailles ? Il est d’une sincérité curieuse :

« Nous les avons trouvées, » écrivent-elles, « bien différentes du portrait qu’on nous en avait fait. Nous en avions même grand’peur, car nous croyions trouver des filles fières, enflées de leur faveur, qui se piquaient de bel esprit, accoutumées à faire des discours étudiés. Nous pouvons assurer que, bien qu’elles ne fussent pas cloîtrées, elles ne laissaient pas de remplir les pratiques essentielles de la vie religieuse ; car il est certain qu’il n’y a point de communauté, même parmi les régulières, qui vive dans une plus grande séparation du monde. Elles allaient rarement au parloir, et n’y allaient que pour leurs plus proches, parens et pour peu de temps ; elles ne parlaient quasi jamais aux personnes qui entraient chez elles, et elles évitaient tellement leur rencontre qu’elles passaient pour farouches. Elles étaient simples et sans hauteur, et nous ne concevons pas ce qui a pu donner lieu à ce qu’on nous avait dit. Dans le temps qu’on y jouait les tragédies d’Esther et d’Athalie devant le Roi et toute la Cour, elles se retiraient dans les