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est aussi tranquille que vous l’avez vue inquiète ; sa vivacité se modère, et sa vertu est tellement augmentée que je ne doute point que Dieu ne la comble de ses grâces pour notre maison ; c’est la plus aimable sainte qui soit au monde. »

À d’autres momens, elle l’encourageait : « Donnez-vous tout entière à Dieu. Rendez-vous simple a l’abbé de Fénelon et à M. de Chartres. Je serai moi-même toujours soumise à l’opinion de ces deux saints… »

« … Vous êtes destinée, ma chère fille, à être une pierre fondamentale de Saint-Cyr. Vous devez soutenir un jour ce grand bâtiment par votre régularité et par vos exemples… Embrassez » donc avec soumission Dieu qui vous appelle. Lui marquerez-vous des bornes ? Il n’en veut point souffrir avec les âmes qu’il a prévenues de certaines grâces. C’est en se livrant à son esprit, que vous trouverez la paix et la liberté… »

Cependant, à mesure que le terme du noviciat approchait, Mme de la Maisonfort hésitait plus que jamais. Il fallut recourir encore à une autorité extérieure : l’évêque de Chartres, supérieur de la maison de Saint-Cyr, décida, le 2 février 1692, que la novice prononcerait ses vœux.

Elle demanda que ce fût l’abbé de Fénelon qui les reçût. M. de Chartres l’y autorisa. La cérémonie eut lieu le 1er mars. Fénelon parla sur le bonheur de la vie religieuse, et ravit toute l’assistance. Mme de Maintenon laissa éclater sa joie ; « elle en fit une fête particulière ce jour-là, et crut avoir fait la plus grande acquisition du monde. » On ne nous dit pas si la professe pleura, quel fut son visage, ou son maintien. On ne nous dit rien. Parmi ce triomphe, cette joie, ces pieuses allégresses, il n’y a pourtant que ce silence qu’on voudrait entendre.

Il nous en est venu un écho, — un seul. Le lendemain Fénelon écrivait à la nouvelle religieuse :

« Je suis ravi, madame, que vous soyez en paix, et que vous ayez plus de courage que vous n’en témoignâtes dans le parloir, quand il fallut aller faire vos vœux… »


Cependant Mme de Maintenon poursuivait la réforme de sa maison. Après avoir mis fin aux représentations publiques, aux visites, à tout l’esprit de mondanité qui agitait Saint-Cyr ; après avoir modifié profondément l’instruction donnée aux jeunes