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conseil, Mme de la Maisonfort était agenouillée devant le Saint-Sacrement, « dans une étrange angoisse. » Ils décidèrent enfin « que ses difficultés ne venaient que d’une conscience trop timide, dont il était bon de l’affranchir ; que cette disposition ne la rendrait que plus fidèle à ses devoirs, et ne devait pas l’empêcher de faire des vœux ; enfin que Dieu l’appelait à le servir comme Dame de Saint-Louis. »

En apprenant cette décision, Mme de la Maisonfort pensa mourir de douleur, et s’enfuit dans sa chambre, où elle passa toute la nuit à verser des larmes.

Mme de Maintenon ne put la voir. Le lendemain, elle lui écrivit :

« Je ne vous ai point marqué toute ma joie : mais je suis assurée que vous n’en doutez pas. Je remercie Dieu de tout mon cœur de ce qu’il fait pour vous et pour nous. Vous allez trouver la paix. Vous voilà dans le fond de cet abîme où l’on commence à prendre pied. Vous savez de qui[1] je tiens cette phrase. Je le verrai demain ; je lui demanderai pour votre retraite tout ce que M. de Chartres vous a marqué. Abandonnez-vous bien à Dieu, ma très chère ; laissez-vous conduire les yeux bandés… »

Mme de la Maisonfort ne se rendit pas aux exhortations de cette lettre. « Ne pouvant comprendre, » dit Phélipeaux, « sur quel fondement ces Messieurs avaient appuyé leur décision, elle s’imagina que l’abbé de Fénelon n’avait pas assez fait connaître ses répugnances pour l’état religieux. » C’était lui qu’elle avait chargé de « bien expliquer ses dispositions intérieures » devant l’assemblée, « ne doutant pas que, quand elles seraient connues, on ne lui parlerait plus d’aucun engagement. » Elle manda donc à Fénelon « en quelle angoisse et en quel trouble elle se trouvait, et le soupçon qu’elle avait qu’on eût plus déféré aux désirs de Mme de Maintenon qu’à ses dispositions intérieures. »

Fénelon, quelques jours plus tard, lui répondit :

« Tout ce que j’ai à vous dire, madame, se réduit à un seul point, qui est que vous devez demeurer en paix avec une pleine confiance, puisque vous avez sacrifié votre volonté à celle de Dieu, et qu’on vous a déterminée. La vocation ne se manifeste pas moins par la décision d’autrui que par notre propre attrait. Quand Dieu ne donne rien au dedans pour attirer, il donne au

  1. De Fénelon.