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tout de suite, en face de cette fortune inattendue et subite, qui aurait bien pu l’éblouir, notons la réserve très nette de Mme de la Maisonfort, cette fierté d’une âme qui veut bien se donner, mais non se laisser confisquer. Elle déclara qu’elle ferait ce qu’on lui demandait ; mais qu’elle ne pensait pas à la vie religieuse, et qu’elle se retirerait dès qu’on n’aurait plus besoin d’elle.


A Noisy, Mme de Maintenon faisait élever cent demoiselles, dont le Roi payait les pensions. C’était un début, encore un peu secret, dont elle ne parlait qu’« en confidence ; » un premier essai, mystérieux et plein de promesses, de la grande idée de sa vie. Il y avait là une maison restaurée et arrangée par elle ; quatre classes, distinguées par un ruban de couleur, comme plus tard à Saint-Cyr : les rouges, les vertes, les jaunes et les bleues ; une femme de culture et d’esprit, Mme de Brinon, si éloquente qu’elle faisait elle-même les instructions du dimanche dans la chapelle ; enfin un mélange d’improvisation et de longs projets, de vues hardies et d’espérances plus hardies encore, de liberté et de décence, de bonne volonté et d’ardeur, qui faisait de Noisy « un lieu de délices. » Nous retrouverons, sur les premières années de Saint-Cyr, un peu de cette lumière d’aurore, avec quelque chose de plus brillant encore.

Dans ses nouvelles fonctions, Mme de la Maisonfort, avec son entrain, sa jeunesse, son esprit cultivé et délicat, devait plaire et se plaire. En effet, elle « fit merveille. » Nous savons que Mme de Maintenon lui donnait chaque jour davantage son amitié et sa confiance ; les jeunes filles qu’elle instruisait l’adoraient ; et si elle fit merveille, il est probable qu’elle fut heureuse. Gardons-en l’assurance ; ces années de bonheur seront trop courtes.

Les dames de la Cour ne tardèrent pas à vouloir connaître la maison de Noisy. Mme de Maintenon fit quelques difficultés ; puis elle céda, par politique plus que par vanité. La Dauphine vint aussi ; puis un jour le Roi lui-même, à l’improviste. Il fut si enchanté de tout ce qu’il vit qu’à son retour il se sentit pressé de faire quelque chose de plus grand et de plus solide, « pour la gloire de Dieu et le soulagement de la noblesse. » Le 15 août 1684, la fondation de Saint-Cyr fut décidée. Et, moins de deux