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embarras de plus pour un père que le service du Roi obligeait d’être sans cesse aux frontières. M. de la Maisonfort réussit à obtenir pour elle un canonicat dans une abbaye noble, à Poussay, en Lorraine. C’est là qu’il la conduisit un jour, en se rendant à l’arrière-ban. Elle avait douze ans.

Nous ne savons pas grand’chose de ces années d’adolescence, sinon que la jeune chanoinesse dut étudier beaucoup, lire avec passion, acquérir une culture étendue et profonde. Et nous pouvons deviner encore une autre chose : c’est que Marie-Françoise commença de mettre tous les cœurs à l’envers, dans la noble abbaye. Ce triste ou charmant privilège, comme on le voudra prendre, elle l’a toujours exercé. Elle-même dira plus tard, très tard, et sans vanité aucune, mais plutôt avec un soupir : « C’est mon étoile, d’être toujours assez aimée… » Pauvre petite étoile, qui ne cessera de briller, en effet, au ciel d’une vie traversée de beaucoup d’orages.

En 1680, Mme de la Maisonfort obtint d’accompagner l’abbesse de Poussay jusqu’à Nancy, au passage de la Dauphine, qui venait en France pour son mariage. La princesse la distingua et lui fit beaucoup d’amitiés.

Quatre ans plus tard, M. de la Maisonfort, soit de son propre mouvement (car il s’était remarié et ne pouvait plus suffire à l’entretien de sa fille), soit sur le désir de celle-ci, fit venir la chanoinesse à Paris. Il voulait lui trouver, auprès de quelque princesse, un de ces vagues emplois, dignes à la fois de son rang et de sa pauvreté. En même temps, comme il était déjà question de la fondation de Saint-Cyr, M. de la Maisonfort voulait faire recevoir sa seconde fille dans cet établissement. Il semble avoir été bon père, et serviteur du Roi assez pénétré de la reconnaissance que le Roi lui devait pour ses bons services.

Il pria l’abbé Gobelin de présenter ses filles : l’entrevue fut heureuse ; Mme de Maintenon, « prompte à s’engouer, » comme on sait, n’hésita point. Elle garda pour elle la chanoinesse ; et, ayant discerné tout ce qu’elle pourrait en faire, elle l’engagea à venir comme maîtresse des classes à Noisy.

Ne blâmons point cet empressement. Les plus belles fortunes commencent parfois dans un éclair ; et juger vite n’est pas juger mal. Mme de Maintenon semble avoir eu mille fois raison de vouloir attacher à son œuvre Mme de la Maisonfort. Mais, puisqu’il faudra bien peser un jour des responsabilités, notons