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de mois en mois, tant que l’on n’aura pas procédé à la reconstitution des animaux sacrifiés en excédent.

« Il ne faudrait pas s’exagérer les difficultés de l’heure présente. Nous sommes encore à la tête d’un troupeau de plus de 13 millions de bovins. Si la nécessité en apparaissait, nous aurions largement de quoi suffire à l’alimentation de la troupe en y puisant exclusivement… »

Voilà qui est clair. M. Quentin est plutôt pessimiste, puisqu’il conclut en affirmant la nécessité, ou du moins l’utilité, de larges achats de viandes à l’étranger. Nous voyons cependant qu’il n’est nullement effrayé par « les difficultés de l’heure présente. » Ces difficultés sont cependant réelles. Nous le reconnaissons parfaitement. L’accroissement extraordinaire de la consommation militaire nous force à abattre un nombre de bovins supérieur à la dime annuelle que nous prélevons habituellement sur notre troupeau, et l’élévation du prix de la viande de bœuf doit être partiellement attribuée, depuis quelques mois, à cette circonstance.

Remarquons bien toutefois que nos effectifs sont reconstitués par la croissance normale des jeunes animaux, et que, d’autre part, nous n’avons rien à redouter, — jusqu’ici, — en ce qui concerne la réduction du nombre des moutons ou des porcs. La guerre entraîne des sacrifices ; nous vivons sur notre capital d’animaux bovins et non pas seulement sur ce que l’on pourrait appeler les revenus réguliers de ce cheptel. Mais, en vérité, peut-on raisonnablement exiger que la crise effroyable déchaînée par la mobilisation n’ait pas une répercussion sur la situation de notre troupeau, qu’elle ne provoque pas un renchérissement de la viande, et n’impose pas à la population civile une réduction de sa consommation habituelle ? Une pareille prétention est évidemment insoutenable.

« La viande, dira-t-on, est un aliment devenu indispensable et la hausse de son prix est un péril ; elle constitue une épreuve redoutable infligée notamment à la classe ouvrière ! »

Cette hausse, due en grande partie à la guerre, est, en effet, une épreuve, mais on la subit dans un pays très riche et admirablement approvisionné comme l’Angleterre, aussi bien qu’en France. Le Comité de la fédération nationale du commerce de la viande dans la Grande-Bretagne vient de conseiller au public anglais de restreindre autant que possible la consommation de