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d’un code bien plus homicide que pénal, rendaient impossible l’approvisionnement. On aurait pu remettre encore toutes choses en état si on se fût moins occupé du bénéfice de quelques commerçans intelligens, qui eussent évité des frais énormes à la République en la servant bien. Mais la manie des régies presque toujours onéreuses fut substituée aux règles de la sagesse… »

Est-il donc nécessaire de négliger les leçons de l’expérience et de ne pas suivre « les règles de la sagesse ? »


LA QUESTION DE LA VIANDE

La cherté du blé n’est qu’un des problèmes qui s’imposent aujourd’hui à l’attention des pouvoirs publics. L’élévation du prix de la viande provoque, dit-on, des inquiétudes aussi graves. Elle peut, elle doit même nécessairement réduire la consommation des familles pauvres, en exagérant les sacrifices imposés à leur modeste budget. Il y a plus. Cette hausse de la viande est, paraît-il, une conséquence de la réduction trop rapide des effectifs de notre troupeau national. Les pertes vont devenir bientôt irréparables si l’on n’y prend garde. Il est possible de développer rapidement la culture du blé et d’assurer notre approvisionnement en moins d’une année. Neuf mois à peine s’écoulent entre la période des semailles d’automne et celle de la moisson ; mais il en est tout autrement pour les animaux dont la croissance est lente. Quatre ou cinq années sont nécessaires pour produire un bœuf adulte ; on doit compter trois ou quatre ans pour les moutons, et près d’un an pour les porcs.

La reconstitution de notre troupeau sera donc une œuvre de longue haleine. Si nous abattons chaque mois plus d’animaux que le troupeau ne fournit de bêtes de boucherie parvenues à l’âge de leur entier développement, nous dépeuplons nos étables, nos bergeries, nos porcheries. Le poids des jeunes animaux étant plus faible, il faudra en sacrifier un nombre de plus en plus grand pour satisfaire aux exigences de la consommation, et bientôt les pertes subies seront irréparables.

Ces observations générales sont à coup sûr fort judicieuses.