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prohibitives ne furent rigoureuses. L’ordre de porter les grains aux halles ne sera qu’un avis de les cacher plus soigneusement, Recourez aux confiscations, aux visites domiciliaires ; recommencez le code des gabelles. Vous serez odieux et mieux trompés, voilà tout…

« On me fait observer qu’il s’agit ici d’une mesure révolutionnaire, d’une taxe momentanée, et je réponds que j’adopte les mesures révolutionnaires qui font vivre, mais non pas celles qui font mourir de faim ! »

Un homme se leva peu de temps après pour réfuter ces argumens si probans et si solides. A défaut de raisons, il invoqua les intérêts du peuple sacrifiés, soi-disant, à l’avidité des spéculateurs.

« Il faut, dit-il, que la Convention prononce aujourd’hui (3 septembre 1793) entre les intérêts des accapareurs et ceux du peuple ; il se ferait justice lui-même, il tomberait sur les aristocrates et leur arracherait de vive force ce que la loi aurait dû lui accorder. (On applaudit.) — Prononcez aujourd’hui, demain nous exécuterons. »

Cet orateur s’appelait Danton, et le jour où il parlait ainsi, la Convention décrétait qu’il y aurait un maximum pour le prix des grains, maximum uniforme dans toute la République !

L’audace et l’arbitraire ne sauraient prévaloir contre les lois économiques.

Les prévisions de Ducos se trouvèrent toutes justifiées. Arbitrairement taxés au-dessous des cours qui résultaient de la concurrence et de la situation générale, les grains furent cachés ou vendus en secret au-dessus du maximum. Une disette factice devint la conséquence détestable d’un système oppressif, qui avait la prétention de faire régner l’abondance en ruinant à la fois la production et le commerce.

Et ce ne sont pas les contre-révolutionnaires ou les membres de la secte des économistes qui ont dénoncé les dangers du maximum, et condamné résolument l’intervention de l’Etat et de ses agens.

Le 6 nivôse an III, le conventionnel Bérard s’écriait : « Qui est-ce qui a tué le commerce, anéanti l’agriculture ? — Le maximum ! (Applaudissemens.) — Qui est-ce qui eût osé approvisionner la France de denrées de première nécessité quand, sous peine d’être poursuivi, on était obligé de les donner