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des dernières années, on demeure confondu de l’audace avec laquelle cette mainmise se poursuivait.

M. Colonna di Cesaro, dans la préface de l’étude de M. Preziosi, déclare que « l’Allemagne travaillait à enfoncer ses tentacules dans l’organisme italien pour l’assujettir et l’épuiser ; la production italienne avait fini par ne plus être possible qu’à la condition de ne pas faire concurrence à la production germanique. » Le commerce ne trouvait de débouchés que là où les marchandises teutonnes n’avaient pu parvenir. Les banques n’auraient plus fonctionné que comme des succursales de Berlin. D’autre part, l’Autriche-Hongrie, sentinelle avancée de l’Allemagne dans la Méditerranée, attendait le moment opportun pour affirmer ses prétentions et les réaliser aux dépens du troisième associé. Voici à quoi était réduite la Triplice : l’Allemagne paralysait l’Italie, de façon à l’empêcher de s’opposer au programme d’expansion poursuivi par l’Autriche pour son compte et pour celui de l’empire allié. Ce travail s’accomplissait grâce à une organisation savante. Les Allemands considéraient Gênes comme aussi indispensable au développement de leur commerce au Sud qu’Anvers au Nord. Il fallait, ici comme là-bas, préparer la voie aux armées par une conquête commerciale, bancaire, industrielle. Le système était le même : mainmise sur les banques et le crédit, domination ouverte ou dissimulée des industries, des sociétés de navigation, asservissement de la presse ; toutes les ruses, toutes les perfidies mises en œuvre pour devenir maîtres des organes de la vie économique. Ce qui est le plus curieux, c’est que les résultats étaient obtenus sans que l’Allemagne engageât de capitaux considérables. Elle avait, au plus haut degré, l’art d’en imposer et de faire accepter sa direction, là où d’autres auraient eu le droit d’exiger la place qu’elle occupait indûment.

Depuis que la guerre a été déclarée, la tactique est modifiée. Les Allemands, qui n’avaient autrefois pas assez de mots pour célébrer l’intimité des deux pays, expliquent maintenant que leurs rapports économiques avec l’Italie n’ont pas d’importance. En 1913, disent-ils, il n’a été dirigé sur l’Italie que 4 pour 100 du total des exportations germaniques, et il n’a été reçu de cette provenance que 3 pour 100 des importations en Allemagne.

Ils avouent en même temps qu’il ne reste guère de capital allemand au Sud des Alpes. Au cours des dernières années, ils