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IV. — LE CAPITAL ETRANGER, L’INVASION ALLEMANDE

Le capital étranger avait, à l’origine, donné un concours important à la finance et à l’industrie italiennes. La France joua, sous ce rapport, le premier rôle. Pendant vingt ans, elle souscrivit la majeure partie des emprunts de l’Etat, des chemins de fer, de certaines municipalités ; elle organisa des entreprises particulières, et même des exploitations dépendant du Trésor, telles que la régie co-intéressée des tabacs, à l’époque où le gouvernement n’avait pas encore repris en mains l’administration directe de ce monopole.

Les actions et les obligations des chemins de fer romains, des chemins de fer méridionaux, le plus important des réseaux qui se partagèrent la péninsule avant le rachat par l’Etat, étaient à un moment, pour une forte part, dans le portefeuille français. L’emprunt de 644 millions, la dernière grande opération de crédit faite au dehors par l’Italie, fut émis en France et en Angleterre en 1881. D’après les stipulations du contrat, 400 millions durent être payés en or et 244 en écus d’argent. Cette rentrée d’espèces permit au ministre Magliani de supprimer la prime sur le numéraire et de ramener pour quelque temps le change aux environs du pair. Il nous est agréable de rappeler l’époque où la collaboration de la finance française avait eu d’heureux effets pour l’Italie et où l’action commune sur le terrain économique succédait à celle qui, sur les champs de bataille, avait fondé l’unité transalpine.

L’opération des 644 millions marqua le point culminant de cette période. Au cours des années qui suivirent, les relations furent moins intimes entre nos deux pays. L’Allemagne essaya de prendre notre place et racheta un certain nombre des titres que nos capitalistes vendaient. Mais elle ne devait pas les garder longtemps. En 1887, l’Italie payait au dehors 133 millions de coupons de ses rentes, dont 126 en France ; en 1892, elle versait de ce chef 163 millions, dont 96 en France et 62 en Allemagne. Ce fut le seul moment où ses fonds séjournèrent passagèrement sur les bords de la Sprée. En 1913, elle ne payait plus que 43 millions, dont 41 en France, 1 en Angleterre, 1 en Allemagne. Il y a une trentaine d’années, elle avait à faire au dehors la moitié du service de sa dette publique ; en 1914, cette