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de le ramener à Constantinople. « Le bateau, bâtiment de guerre, serait de bonne prise, disaient quelques-uns des ministres, puisque nous sommes déjà en état de guerre et que les opérations militaires ont commencé. Quant au chargé d’affaires et au personnel de l’Ambassade qui se trouvent abord, on les ramènera à Constantinople et on les renverra en Europe, en pays neutre, à bord d’un bâtiment de commerce étranger, par le Lloyd, à Trieste par exemple. » L’idée de m’enfermer aux Sept-Tours n’a jamais été sérieusement discutée ni soulevée, bien que le souvenir des anciennes fonctions de ce château fort ait été évoqué dans cette discussion. C’est M. de Kosjek, alors premier drogman autrichien, qui m’a fait ce récit, ayant, au lendemain de mon départ, entendu parler de ce sujet à la Porte. Quoi qu’il en soit, le temps a passé en discussion et j’arrivai, dans la matinée du 13 avril, sans encombre à Odessa. Cependant la veille, dans l’après-midi, à la hauteur des bouches du Danube, la vigie avait un instant signalé l’apparition à l’horizon, au Nord-Ouest de notre route, de mâts de grands bâtimens. On se mit à regarder avec attention, mais on ne découvrit rien. En attendant, à Odessa et à Kichineff où se trouvait l’Empereur, on avait des inquiétudes pour notre sécurité. Des nouvelles y étaient parvenues comme quoi des cuirassés turcs avaient quitté Sulina. On leur attribuait l’intention d’arrêter l’Eriklik, et lorsque, arrivé à Kichineff, je me présentai à l’Empereur le 15 avril, Sa Majesté commença par me dire qu’ « Elle était heureuse de me voir arrivé sain et sauf. »


NELIDOW.