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début dans des dispositions réciproques défavorables. D’autre part, le général Ignatieff, aidé par sa femme, gagna entièrement à son point de vue le comte de Chaudordy, sympathique à la Russie, et le comte Corti, ministre d’Italie, qui était sous le charme de l’ambassadrice de Russie.

Avant mon départ pour Bucarest, lorsque la Conférence était déjà décidée en principe, le général Ignatieff, causant un soir avec moi de la façon dont il faudrait s’y prendre, exprima des inquiétudes sur la manière dont on pourrait entamer l’affaire, la mettre en train. Je lui dis que comme la Conférence se réunirait à l’ambassade de Russie, et que, comme doyen, il en serait probablement nommé président, il devrait préparer d’avance un discours pour y exposer le but poursuivi, grouper les questions à traiter, et ensuite partager les plénipotentiaires en Commissions qui étudieraient séparément les questions que l’on discuterait ensuite en séances plénières. « Eh bien, puisque vous avez déjà pensé à cela, me dit le général, mettez-moi vos idées par écrit, ce que vous auriez dit si vous étiez à ma place. » Je me mis aussitôt à l’œuvre et présentai au général, avant de me mettre en route, un projet de discours d’ouverture, tel que je le comprenais. J’eus la satisfaction, en lisant le compte rendu de la première séance, de voir que mon discours y avait été prononcé par l’ambassadeur presque mot pour mot. Seulement, au lieu de le dire tout entier à la fois, le général l’avait fort intelligemment coupé en deux, la première partie traitant du but de la réunion et renfermant les complimens et remerciemens d’usage de la part du président, la seconde traçant le programme des travaux. Arrivé trop tard pour prendre une part directe à ces derniers comme secrétaire de la Conférence, car le bureau était déjà constitué, j’y ai participé indirectement en préparant tous les discours que le général avait à prononcer lorsqu’on savait que telle ou telle question importante allait être traitée à la prochaine séance. C’était principalement le cas pour la seconde partie de la Conférence avec les délégués turcs, lorsqu’on voyait parfaitement qu’ils refuseraient les demandes des grandes Puissances et qu’il s’agissait de rejeter sur eux la responsabilité des conséquences, et, mettant de côté tout ménagement, faire ressortir à leurs yeux, aussi bien qu’à ceux de l’Europe, l’importance et l’inéluctabilité des résolutions qu’on serait obligé de prendre. Ces discours, dont quelques-uns étaient