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des troupes. « C’est bon, me dit-il, mais moi qui devrai présenter cette convention à la Chambre, j’aurai à lui dire quelles sont les garanties dont j’aurais entouré l’indépendance et l’intégrité de notre patrie. Autrement, on ne l’acceptera jamais. » Nous eûmes plusieurs discussions sur ce sujet et il fut convenu que, dans le préambule ou dans la conclusion, on introduirait une phrase qui mettrait à l’abri la responsabilité de M. Bratiano et du Prince. Le texte primitif m’en fut remis par M. Bratiano, il forma l’objet de mes soucis les plus cuisans ; je le maniais et remaniais avec l’aide du prince Cantacuzène et nous trouvâmes finalement une formule qui, sans nous engager d’une manière explicite, pouvait cependant satisfaire les Roumains soucieux de l’intégrité de leur pays. Il y était dit, si j’ai bonne mémoire, que la Russie s’engageait à détourner de la Roumanie tous les dangers et les attaques qui pourraient être dirigés contre elle à la suite de la conclusion de cette convention, et qu’elle garantissait la sécurité et l’individualité politique de l’Etat roumain dans ses limites actuelles (ou tel qu’il est constitué actuellement) « si elles venaient à être menacées du fait du passage des troupes russes. » A la distance où je me trouve de cette époque et n’ayant gardé aucun document qui s’y rapporte, je ne puis garantir l’exactitude des termes, mais le sens y est. Entre autres argumens que j’ai employés avec M. Bratiano, pour éviter de m’engager davantage, je lui ai dit que nous ne pouvions garantir la Roumanie que contre les dangers qu’elle courrait à la suite de son entente avec nous. « Mais si, lui dis-je, vos exaltés allaient attaquer la Transylvanie, et si le gouvernement autrichien envahissait, à la suite de cela, la haute Valachie, nous ne nous considérerions nullement comme obligés de courir à votre secours et d’entrer en guerre avec l’Empire des Habsbourg. » « Je vois bien, me dit, un jour Bratiano, que vous finirez par nous reprendre la partie de la Bessarabie qui vous a été enlevée par le traité de Paris. Je le comprends, je l’ai senti à Livadia, c’est une question d’honneur pour l’Empereur. Mais alors prévenez-nous-en, dites-le-moi franchement, nous chercherons des compensations et je pourrai y préparer notre opinion publique. » Je répondis au ministre que du moment où il comprenait et pressentait la nécessité où nous nous trouverions, en cas de guerre heureuse, de récupérer la partie cédée de la Bessarabie, la prudence exigeait qu’il y préparât quand