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dans le sol : en écoutant, chaque parti peut se rendre compte de ce que fait l’autre, où il se trouve, à quelle distance, dans quelle direction. Durant le siège de Barcé, en Cyrénaïque, un chaudronnier imagina de faciliter leur besogne aux écouteurs, en leur donnant un bouclier d’airain qu’on posait sur le sol, pour l’employer à ausculter. Le son était renforcé, et on savait s’il y avait des mineurs dans le voisinage. Le service des écouteurs a conservé jusqu’au moment présent toute son importance, bien qu’on n’y utilise plus le bouclier d’airain.

Les mines ne servaient pas seulement à pénétrer sous la ville, ou à contrebattre les galeries des assiégeans : on les employait encore à ouvrir la brèche. L’assiégeant les conduisait jusque sous la muraille, puis les prolongeait en équerre, à droite et à gauche, en suivant celle-ci. Le travail consistait à saper les fondations et à remplacer une certaine épaisseur de pierres par des bois placés debout, soutenant le mur. Quand on en avait de la sorte sapé une bonne longueur, on mettait le feu aux étais, et la superstructure, privée de soutien, s’effondrait. L’assiégeant n’avait plus qu’à se ruer par la brèche. La méthode fut employée à Thèbes.

On remarquera que, de l’aveu de César, les Gaulois étaient fort experts aux mines souterraines, dont, dit-il, « le travail leur était familier, à cause des mines de fer dont leur pays abonde. » Et quand les Romains voulaient, à leur tour, creuser une mine, « les Gaulois l’éventaient, la remplissaient de pieux durcis au feu, de poix bouillante et de pierres pesantes ; ils arrêtaient ainsi nos mineurs et les empêchaient d’approcher des mines. »

La guerre souterraine se transforma naturellement, quand la poudre à canon lui donna des possibilités nouvelles et fort intéressantes ; on paraît avoir mis le temps à s’en apercevoir : deux cent cinquante ans environ. Ce n’est guère qu’après 1500 que la poudre a servi comme explosif dans la guerre de siège, entre les mains de Pierre de Navarre. Il s’agissait de réduire les forts de Naples. Le capitaine A. Gênez, dans son très intéressant Historique de la guerre souterraine, raconte comment Pierre de Navarre s’y prit. Il creusa des mines, aboutissant sous l’enceinte de la citadelle, et les bourra de poudre. Après quoi il somma les Français de se rendre sous peine d’être écrasés. Ceux-ci avaient bien entendu quelque bruit souterrain,