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suffit pour justifier le recours à la méthode des tranchées. Comment prit naissance cette guerre, comment elle évolua, comment naquit et évolua, aussi, la guerre de mines, voilà ce que je voudrais dire, pour indiquer aussi la façon dont elles se pratiquent en ce moment, pour quelque temps encore.


C’est évidemment dans la préhistoire qu’il faut aller chercher la première tranchée. Non pas à l’époque gallo-romaine ou celtique, à l’époque « protohistorique, » à laquelle le très regretté et héroïque Joseph Déchelette a consacré son dernier livre, paru quelques semaines avant la déclaration de guerre (son Archéologie Celtique ou Protohistorique, formant le quatrième volume de son magistral Manuel d’Archéologie), mais plus loin encore. Déjà les Celtes avaient un armement perfectionné : casques » cuirasses, boucliers, épées, poignards, lances, javelots, et ils savaient s’abriter derrière leurs armes défensives. Mais c’est encore plus en arrière dans le passé, chez l’homme préhistorique, chez la brute néanderthalienne et parmi ses devanciers, qu’a dû commencer la tranchée.

Au début, elle dut être fournie par la nature. Dressé à l’art de se défiler pour surprendre les animaux dont il se nourrissait, et les approcher assez pour leur envoyer la pierre, la flèche, ou le javelot à pointe en silex qui les mettaient hors de combat, le primitif savait se cacher derrière les rochers, les arbres, s’avancer en rampant dans les dépressions de terrain, utiliser les rigoles creusées par les eaux sauvages. Dépressions et rigoles furent ses premières tranchées.

L’homme qui, après avoir utilisé les éclats de silex fournis par la nature comme armes de jet, outils, ustensiles, sut façonner lui-même délibérément des silex en des pièces qui sont des merveilles de finesse et d’élégance de formes ; cet homme assurément avait trop d’ingéniosité pour ne pas façonner aussi des accidens de terrain. D’abord, il dut développer, améliorer les accidens naturels, les approfondir, les élargir. Les animaux de chasse ont leurs habitudes : on sait où ils passent, où ils vont boire. L’homme primitif ne l’ignorait pas, et s’embusqua sur leurs routes. Il fut amené à perfectionner ses embuscades par les avantages qu’il leur trouva, peut-être même à en créer de toutes pièces ; il possédait des silex à fouiller le sol.