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d’égorgemens. Ce sont d’authentiques Walkyries. Quelle différence avec les touchantes silhouettes féminines qui se profilent dans nos chansons de gestes ! Poèmes de la force matérielle, les légendes germaniques n’exaltent que la violence. Aucune noblesse ne grandit leurs héros, asservis qu’ils sont à des puissances fatales auxquelles ils tâchent de se soustraire par la ruse, quand ils ne se bornent pas à chercher des trésors.

La même brutalité se retrouve chez l’Allemand moderne. Elle était à fleur de peau chez le père du grand Frédéric, à qui il arriva de tomber à coups de canne sur son héritier et même sur son précepteur. Elle forme le fond de l’éducation nationale, je devrais dire du dressage scolaire et militaire à quoi se ramène cette éducation. Les coups font la raison du maître, comme ils feront, plus tard, celle de l’officier. Il n’en faut pour preuve que les multiples et odieuses brimades, souvent suivies de mort, auxquelles des révélations récentes nous ont appris que des soldats étaient soumis de la part de leurs chefs. Cette brutalité n’est pas exclue de la vie civile. Les étudians d’outre-Rhin n’ont pas, on le sait, de plus cher passe-temps que de se battre en duel : un visage vierge de balafres leur paraît un déshonneur. La rudesse et la brutalité se rencontrent dans toutes les classes de la société. « Nous ne tenons pas à être aimés, nous voulons être craints, » disait, avant la guerre, à l’un de mes amis un ingénieur teuton chargé des travaux du Bagdad. En foi de quoi, il ne ménageait pas les mauvais traitemens aux indigènes sous ses ordres. On n’ignore pas, du reste, la conduite sanguinaire des autorités allemandes vis-à-vis des noirs du Cameroun. « Nous sommes une race bouillante, » chante un poète allemand contemporain, Charles Henckel. Et cruelle ! aurait-il pu ajouter. ! La méchanceté de l’Allemand dégénère, en effet, facilement en sadisme ou volupté de faire souffrir. Cette volupté-là n’est, certes, pas étrangère aux atrocités dont les régions envahies furent le lamentable théâtre. L’Allemand, dont les sens sont obtus, l’imagination lente et les passions fortes, a toujours été enclin, pour les réveiller, à abuser de son autorité. Parvenu le dernier à la civilisation, il est, en s’appropriant les multiples ressources de la science, demeuré un barbare.

Joignez, maintenant, à la méconnaissance de tout ce qui n’est pas germain, poussée à l’extrême par une estime exagérée de soi-même, que l’Allemand n’oublie et ne pardonne jamais,