Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ce que la France a de bon, — Les bonnes manières pour lesquelles elle est prisée, — Tout ce qui fait briller très haut Paris par-dessus les autres villes, — Tout cela, il a voulu l’apprendre de même que la langue. »

Le professeur Bernegger appelait Strasbourg une ville demi-française, dans une lettre du 1er mai 1625, et il expliquait que, si on n’avait pas créé en 1621 de chaire de français à l’Université, c’est « qu’on trouvait partout des occasions commodes d’apprendre cette langue. »

Et, en effet, il y avait eu dès 1592 tant de maîtres privés faisant concurrence au professeur officiel de l’Académie qu’il ne trouva pas assez d’élèves payans pour pouvoir continuer longtemps son enseignement.

Du reste, il n’existait pas davantage de chaire de langue allemande, et c’était le latin, non l’allemand, qui était la langue scolaire.

Il faut entendre encore la déclaration étrangement significative faite en 1603 par un des plus vieux professeurs de l’Académie où, dès 1573, il professait la dialectique et la physique, Jean-Louis Hauenreuter. La voici :

« Qui donc ignore, je vous le demande, que la connaissance de la langue française doive être recherchée partout, à moins qu’il ne se terre à perpétuité, à la façon des lapins, dans le sous-sol de sa patrie… Celui qui l’ignore devra ou se taire, ou passer pour un barbare. »

L’enseignement du français ne se limite pas à Strasbourg. Même dans les petites villes comme Bischwiller, nous trouvons, dès 1618, un maître d’école français, et à Colmar, quelques années plus tard, le magistrat introduit trois leçons de français par semaine dans les classes supérieures de l’école latine. Dès le xvie siècle, il s’y trouvait du reste des maîtres privés.

Il me semble inutile de multiplier ces exemples, mais un point essentiel est à mettre plus complètement en vedette. M. Rodolphe Reuss l’a dit excellemment : « On ne se contentait pas des leçons qu’on pouvait avoir à domicile ; on allait aussi chercher la connaissance pratique de la langue française au dehors. Dès la fin du xvie siècle et surtout au xviie siècle, nous voyons un grand nombre de jeunes Alsaciens de bonne famille, après avoir étudié théoriquement le français chez eux, faire le tour de France ou de Suisse, pour apprendre à s’en servir, » et il