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passé pour des amis intègres de l’Empire romain, et tu nous accuses, très cher Wimpheling, d’être des demi-Français (tu semigallos nostrates contendis). »

Nous avons bien là, je crois, le vrai fond du débat. Wimpheling avait préconisé une lutte acharnée contre la France, au bénéfice de l’Empire, alors que le sentiment dominant était la défense des libertés alsaciennes, et spécialement des libertés strasbourgeoises avec entente, selon les circonstances, avec la France.

Ce sentiment, la Germanie l’avait, au dire de Murner, travesti en le représentant comme une inimitié contre le Saint-Empire romain, alors que Strasbourg était obligé de ménager l’Empereur et ne pouvait entrer en lutte directe avec lui.

C’est sans doute pour sauvegarder sa neutralité que le magistrat sévit avec tant de rigueur contre l’écrit de Murner, qu’il le fit si impitoyablement détruire qu’on n’en connaît plus que deux exemplaires.

Mais du côté germanique, d’outre-Rhin, ce fut un déchaînement d’une virulence, d’une fureur inouïe contre Murner, accusé d’avoir pris la défense de ces partisans strasbourgeois si nombreux de la France que Wimpheling avait voulu désabuser ou de ces orateurs demi-Français (semi-Galli) qu’il avait dénoncés à la vindicte du magistrat et à la méfiance du peuple.


V

Tout le xvie siècle, qui s’ouvrait seulement à l’époque de la controverse dont je viens de parler, demanderait une étude détaillée, des rapports intellectuels et moraux de l’Alsace, spécialement de ses villes, avec la France. Il est infiniment regrettable qu’elle n’ait jamais été entreprise et que les relations politiques aient occupé presque seules les historiens. Le jour où cette étude aura été faite, on sera étonné du développement qu’ont pris, au cours de ce siècle et durant tout le règne de Henri iv, les affinités anciennes que j’ai esquissées.

La Réforme, en somme, produisit de multiples et fortes oscillations du sentiment public en Alsace, aussi bien qu’en France et en Allemagne. Elle accrut d’une façon inattendue à Strasbourg le nombre, l’étendue et aussi la solidité des attaches françaises, tant par l’enseignement qui y fut organisé pour protestans et pour catholiques, par un ancien disciple et maître