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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Nous avons annoncé, à la fin de notre dernière chronique, le remaniement du ministère anglais. À un gouvernement de parti a succédé un gouvernement de large conciliation entre tous les partis. C’est un fait important dans l’histoire politique de nos voisins, car il est contraire à la tradition et on sait combien elle est forte chez eux. Il faut d’ailleurs reconnaître que l’essence même du parlementarisme est la constitution de partis distincts les uns des autres, qui se succèdent au pouvoir : s’ils l’exerçaient en commun, ils perdraient inévitablement quelque chose de leur personnalité. L’événement qui vient de se produire est donc nouveau, et si les vieux wighs et tories sortaient de leur tombe, ils en seraient grandement étonnés. Mais les circonstances, elles aussi, sont nouvelles et elles imposent des solutions auxquelles on n’avait pas encore songé, parce que le besoin ne s’en était pas fait impérieusement sentir. De là est venue l’idée d’un ministère de concentration où les conservateurs seraient représentés auprès des libéraux. Ni les uns, ni les autres ne font bien entendu, aucun sacrifice de programmes ; ils conservent intégralement leurs opinions différentes et, quand la crise sera passée, ils se retrouveront tels qu’ils étaient auparavant ; les réserves les plus expresses ont été faites à ce sujet ; mais, pour le moment, la préoccupation patriotique domine tout ; il n’y a plus ni libéraux, ni conservateurs, il n’y a que des Anglais.

Cette fusion provisoire ne s’est pas faite sans difficulté : on y répugnait de part et d’autre. Si les conservateurs s’étaient inspirés du seul intérêt de leur parti, peut-être auraient-ils continué de laisser aux libéraux toute la responsabilité de la guerre et de la manière dont elle est conduite. Il y a eu des déceptions sur lesquelles nous n’avons pas à insister ici. Les critiques ne manquaient pas ; elles devenaient même chaque jour plus acerbes. Un certain nombre de