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cours des siècles, tandis que la puissance romaine s’étendait sur le monde civilisé, un nouveau droit, le droit prétorien, moins austère, plus humain, de plus en plus rapproché du droit des gens, se fondait lentement, faisant concurrence à l’ancien qu’il remplaçait tout en ayant l’air de le respecter : et peu à peu les Césars accordaient les droits de citoyen romain aux habitans de toute l’Italie, à des peuples entiers. D’ailleurs, la situation n’était pas la même qu’en Grèce : l’immensité du nouvel empire faisait au Sénat, aux Césars une loi d’adopter une politique de séduction et de conciliation ; et puis l’armature sociale pouvait résister à l’invasion d’élémens nouveaux, les fondre, les pétrir a l’image du conquérant. En général, les nouveaux Quirites se montrèrent dignes du titre de citoyens romains. Il convient aussi de noter que le patriotisme grec fut surtout, comme le patriotisme des petites républiques italiennes du Moyen Age, un patriotisme municipal, tandis qu’à Rome fleurissent les deux patriotismes, le patriotisme municipal et le patriotisme d’Etat, ce dernier devant naturellement s’adapter aux circonstances nouvelles, à l’évolution de l’Etat lui-même.

Le patriotisme municipal, un des principaux caractères de la vie des cités antiques, était, tant pour celles-ci que pour les particuliers, le plus fort stimulant à doter les villes, même au prix de grands sacrifices, de tous les établissemens d’utilité publique. « Le désir de paraître, remarque Friedländer, avec un air d’importance, de dignité et de splendeur, qui agissait alors si puissamment sur l’humanité, dominait les communes non moins que les individus, et, selon toute apparence, il les portait même, assez souvent, à faire des efforts dépassant leurs moyens de fortune. Ajoutez-y, dans les contrées grecques, la jalousie, cette ancienne maladie des Hellènes, dont toutes les villes étaient animées les unes contre les autres, avec la manie, qui en dérivait pour chacune, de chercher constamment à renchérir sur les autres. » Toutes les colonies romaines s’efforcent de présenter une image réduite de la capitale, et, ne réfléchissant pas assez que singer n’est pas imiter, traitent parfois leurs budgets comme la grenouille de la fable qui voulut ressembler au bœuf. Ainsi Ariminium a son Aventin, son Germalus et son Velabrum ; il y a une région esquiline à Bénévent, une région palatine à Horculanum, un Vatican à