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Galiano porte un nom qu’a illustré le grand patriote D. Antonio Alcalá Galiano, auteur de Mémoires d’un prix inestimable sur la guerre de l’Indépendance et le règne de Ferdinand VII. Esprit très pondéré, nullement ennemi de l’Allemagne, où il a séjourné souvent et dont il admire certains côtés de l’activité nationale, M. Alcalá Galiano cherche surtout à détromper ceux de ses compatriotes qui ignorent tout de la transformation de ce pays par le militarisme prussien, ou, comme on a dit très justement, de son « intoxication » progressive dès 1871, mais surtout à partir de ses progrès économiques et de l’avènement d’une très grande prospérité matérielle. Il expose quelle a été l’action de philosophes comme Nietzsche, d’historiens comme Treitschke, de théoriciens militaires comme Bernhardi, de journalistes comme Harden, qui ont implanté dans les cerveaux allemands le principe de Deutschland über alles et de l’asservissement des nations plus faibles à la nation élue, et il explique les graves dangers qu’un tel principe ferait précisément courir à l’Espagne ; enfin il montre, par l’analyse des documens diplomatiques comme par l’histoire de ces dernières années, que la responsabilité de la guerre, préparée jusque dans ses moindres détails par l’Allemagne, retombe uniquement sur son empereur. Était-il utile d’enfoncer tant de portes ouvertes et d’affirmer une fois de plus ce qui est l’évidence même ? Oui, puisqu’il s’agissait dans l’espèce d’agir sur un public un peu passif. M. Alcalá Galiano, sans ménager personne, tance plus vertement que d’autres les Espagnols coupables, au début de la guerre, d’avoir compromis le bon renom de leur pays, notamment quelques jeunes gens qui, sur notre sol, crurent élégant de faire parade de sentimens allemands et de déclamer contre la corruption de la grande Babylone. Or, il se trouve que ces fervens admirateurs de la Kultur hantent les trois quarts de l’année nos plages de la côte de Diamant en pantalons de flanelle, — flanneled fools, dit Kipling des joueurs de golf anglais lents à endosser l’uniforme, — et se montrent fort assidus à certaines attractions parisiennes plutôt répréhensibles, dont nous autres Parisiens ne soupçonnons même pas l’existence. Ces frasques de mauvais goût n’indisposeront pas nos populations de la frontière Sud-Ouest contre les honorables villégiateurs espagnols de Biarritz et de Saint-Jean-de-Luz, ni contre les familles de l’ « ancienne » grandesse