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mettre en ligne décompte une coupure anodine à la main causée par un éclat d’obus au trompette qui, sans penser à mal, tenait nos chevaux en arrière de la batterie visée.

Mais comment diable les Boches ont-ils repéré aussi bien la batterie qui leur servait d’objectif et ont-ils pu allonger et régler sur elle leur tir assez exactement pour l’encadrer comme ils l’ont fait ? On signale au colonel que sur un plateau dominant à la fois celui où est la batterie et la position ennemie, un paysan depuis longtemps suspect a été vu pendant le tir allemand allumant des feux dans un champ, et se promenant avec des gaules énormes.

Nous y allons de suite d’un temps de galop et nous voyons un homme qui, l’air assez embarrassé, paraît ramasser des chaumes dans ce champ. On l’a arrêté le soir, on a découvert que c’était un étranger laissé là on ne sait comment, et sa culpabilité ayant été nettement établie par le Conseil de guerre, il a été passé par les armes quelques jours après. Dès la nuit suivante, la batterie de 90 quittait ses emplacemens pour aller occuper une nouvelle position que nous étions allés reconnaître tout de suite avec le colonel. C’est en effet une règle absolue et nécessaire qu’une batterie repérée change de position : si maladroits que soient les artilleurs teutons et si mauvais que soient leurs projectiles, ils finiraient bien en effet sans cela par lui causer quelque dommage, et il ne faut pas jouer inutilement avec le feu.


Une remarque que nous avons faite aujourd’hui est que les Allemands ont tiré toute l’après-midi « par quatre, » comme on dit dans la confrérie vouée à Sainte Barbe, c’est-k-dire par série de quatre coups. Il est donc probable qu’ils ont une tendance à grouper leurs canons, du moins leurs canons lourds, naguère réunis en batterie de six pièces, en batterie de quatre à l’instar des nôtres. La maniabilité et la facilité de commandement des batteries à six pièces doit être en effet très inférieure à celle de la batterie quadruple, et ces messieurs boches ont dû s’en apercevoir.

Quand je cherche à classer les impressions de cette journée, une chose me frappe, c’est la dissociation qui, dans ces combats