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mouvement, sans que la Reine y eût été pour rien, qu’il se porta au-devant de l’Empereur à Vizille, en lui amenant son régiment. Après Waterloo, il prit énergiquement la défense de l’Empereur devant la Chambre des pairs, le jour où Napoléon II y fut proclamé ; le soir, il était treizième à table, rue Cérutti et, d’après ce présage, se condamnait lui même à mourir avant la fin de l’année. Cependant, après le retour des alliés, quand la Reine le vit pour la dernière fois chez elle, caché sous un déguisement, il ne paraissait plus croire au danger. Réfugié à l’armée de la Loire, il aurait dû de là gagner l’étranger, et son cousin M. de Flahaut lui en offrait les moyens ; il commit au contraire l’imprudence de revenir à Paris où une dénonciation de son valet de chambre le livra à la police. Elle a versé des larmes sur la mort de ce preux, mais sa conscience ne lui reproche rien envers lui. Une affection fraternelle est tout ce qu’elle lui avait voué, avec la satisfaction secrète, jamais confessée, d’être payée de retour plus tendrement. Elle a écrit naïvement (out cela dans ses Mémoires : c’est pourquoi elle ne les montre qu’à des amis éprouvés et parfaitement sûrs.


Lundi, 27 juin.

M. Angerstein avait pris rendez-vous à une heure pour nous conduire à sa campagne de Woolams, entre Greenwich et Woolwich. Le meilleur garçon du monde, et le plus hospitalier, il a souffert longtemps d’un amour contrarié ou plutôt, n’étant aimé qu’à demi et voulant l’être tout à fait, il a fini par abandonner sa belle à un rival heureux. Pour s’en consoler, il a donné dans tous les excès, s’est cassé un bras en tombant de cheval, s’est fait un trou dans la tête par lequel, disait-il, son bon sens s’en est allé ; il porte aujourd’hui une perruque, ce qui ne l’embellit pas. Un déjeuner vraiment royal nous attendait chez lui ; une profusion d’ananas, de raisins, de toutes sortes de fruits rares me donnaient l’envie de visiter les serres d’où ces merveilles sont sorties ; mais la Reine, avertie la veille par M. Fox que lady Holland serait chez elle dans l’après-midi, n’a pu donner qu’un coup d’œil à toutes ces splendeurs.

Ramenées à Londres par M. Angerstein, nous en sommes reparties aussitôt pour Holland House. Lord-et* lady Cooper s’y