Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/840

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bons offices de la maison Pierpont Morgan (1909) ; de longs pourparlers aboutirent à un contrat financier (1911), en même temps qu’à une sorte d’arbitrage politique, prononcé par le président Taft, entre le général Davila et divers compétiteurs ; un emprunt de liquidation fut conclu ; il est gagé sur les sommes qui ont, comme de juste, passé sous le contrôle des banquiers émetteurs. A Saint-Domingue, le souvenir de 1907 n’a pas mis fin aux rivalités de coteries ; des émeutes ont éclaté en 1913 et, pour la garde des Douanes, des détachemens de marins américains ont été mis à terre ; leurs chefs ne pourront se dérober au devoir d’assurer la police d’abord dans les ports et, de proche en proche, sollicités par les indigènes eux-mêmes, ils étendront leur autorité sur l’intérieur du pays. Les cours arbitrales, que les Etats-Unis pourraient saisir des litiges issus de ces incidens, sont toujours portées, plusieurs sentences l’ont déjà prouvé, à confier des pouvoirs discrétionnaires à ceux qui représentent l’ordre et la paix.

La rançon est la liberté politique, dont il est constant que les républiques centre-américaines n’ont fait trop souvent qu’un malheureux usage ; le cas du Nicaragua est, à cet égard, caractéristique. Le président Zelaya, certes, gouvernait durement, avec des allures de despote, et sans oublier de servir, semble-t-il, des rancunes personnelles ; il avait de plus, pour les Yankees, le tort d’encourager de préférence des capitalistes européens. Coupable de lèse-monroïsme, il vit surgir contre lui des adversaires soutenus par les trusts ; il dut céder la place au général Estrada, porte-parole d’un président tout dévoué aux Etats-Unis, Adolfo Diaz ; ce dernier passa un traité de protectorat financier (juin 1911), accorda aux prêteurs le contrôle des douanes et… la guerre civile continua. Le gouvernement de Washington prépara, pour y mettre fin, le texte d’une convention de protectorat politique ; il allait le faire signer, lorsque l’élection présidentielle porta au pouvoir les démocrates, avec M. Woodrow Wilson, et M. Bryan aux Affaires étrangères. Ces nouveaux venus seraient-ils moins impérialistes que leurs prédécesseurs ? M. Bryan a repris le texte de l’administration Taft ; il offre au Nicaragua la tutelle amicale des Etats-Unis, qui recevront en échange une base navale dans la baie de Fonseca ; le Nicaragua s’engage aussi à n’accorder qu’aux États-Unis la construction d’un canal isthmique