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Pendant la période quinquennale 1909-13, l’accroissement moyen des recettes ordinaires avait été de 222 millions, dont 46 étaient dus au monopole. C’est donc une véritable révolution que la suppression de la presque totalité de cette ressource. Mais les hommes d’Etat russes savent que le bénéfice qui en résultera pour le peuple est tel qu’il lui sera facile de payer des impôts nouveaux, dont le produit dépassera de beaucoup le montant de la recette à laquelle on a renoncé. Cette politique à la fois généreuse et prévoyante a déjà porté ses fruits. Les rapports arrivés de tous les points de l’Empire en attestent l’heureux effet sur la santé physique et morale des sujets du Tsar. Les mobilisations successives se sont faites avec un ordre merveilleux. Le rendement du travail des paysans et des ouvriers est accru dans une proportion invraisemblable. Les uns et les autres ont entre les mains de l’argent, alors qu’autrefois une grande partie de leur salaire allait au débitant. Les dépôts des caisses d’épargne, contrairement à ce qui se passe généralement en temps de guerre, vont en augmentant : au cours du seul mois de décembre 1914, ils se sont accrus de 30 millions de roubles ; en mars 1915, de 46 millions. Le total de ces dépôts est aujourd’hui de 2 milliards de roubles.

En dehors des préoccupations qui lui sont communes avec ses alliés, la Russie a celle du service de sa dette extérieure.

Alors que les fonds français et anglais sont presque entièrement détenus en France et en Angleterre, une partie notable de la Dette russe est placée à l’étranger, surtout en France. La Russie a donc à remettre tous les ans, hors de ses frontières, des centaines de millions de francs pour payer les intérêts et l’amortissement de certains de ses emprunts. Le change joue un rôle dans le budget. Jadis, avant la réforme monétaire, à l’époque où le papier-monnaie subissait de violentes fluctuations, il était un sujet de souci constant pour les ministres des Finances. Le règlement de la question, à la fin du XIXe siècle, avait écarté cette cause de trouble. La Russie avait alors établi l’étalon d’or et organisé sa circulation fiduciaire sur une base solide, un minimum de papier gagé par une encaisse métallique considérable. Elle traversa l’épreuve de la guerre japonaise en 1904-1905 sans éprouver la moindre difficulté de ce chef. En 1915, les circonstances ne sont plus les mêmes.) L’énormité des dépenses a obligé la Banque de Russie à