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de faire tout son devoir, demanda d’abord que les autorités militaires exposassent les possibilités de la défense, sans rien cacher de la terrible tâche imposée à notre armée. L’état-major entendu, le même souffle d’héroïsme entraîna tout le conseil, comme il devait le lendemain soulever le Parlement et la nation. Séance tenante, la réponse à la note allemande, dont un projet avait été déjà préparé par le Département des Affaires étrangères, est arrêtée et reçoit l’approbation de l’assistance. Le lendemain matin, avant l’expiration du délai, elle est portée au ministre d’Allemagne, et tout est dit. Tout ce drame poignant n’avait duré que quelques heures.

La réponse du Gouvernement du Roi, qu’aucun Belge n’a lue sans avoir les yeux mouillés d’une admiration patriotique, est aussi noble, aussi digne, — je puis le proclamer sans craindre d’être contredit, — que le langage de l’Allemagne était faux et embarrassé. Elle écarte en quelques mots les prétextes inventés par le Cabinet de Berlin ; elle dédaigne une plainte inutile ; elle ne cherche aucun faux-fuyant, aucun biais diplomatique, afin d’éviter des paroles irrévocables ; elle va droit au but. Après avoir affirmé la fidélité d’un passé sans reproche aux obligations internationales de la Belgique, elle laisse entendre fièrement que le Gouvernement belge choisit sans hésiter la voie du devoir et de l’honneur : « En acceptant, dit-elle, les propositions qui lui sont notifiées, il sacrifierait l’honneur de la nation en même temps qu’il trahirait ses devoirs envers l’Europe. Il est fermement décidé à repousser par tous les moyens en son pouvoir toute atteinte à son droit. »

Que va faire le roi Albert ? Il connaît trop bien l’Allemagne pour n’être pas certain que l’échec de sa sommation sera suivi d’une ruée terrible et immédiate de son armée. Notre souverain avait adressé, trois jours auparavant, une lettre personnelle à Guillaume II, pour lui rappeler, en s’autorisant de l’amitié dont l’Empereur faisait montre envers lui, le droit qu’avait la Belgique de voir sa neutralité respectée. Cet appel n’avait pas remué le cœur insensible du Kaiser. Le 3 août, le roi Albert se tourne vers le roi d’Angleterre et lui télégraphie : sans doute pour réclamer d’urgence son appui militaire, car l’orage se rapproche d’instant en instant ? Non pas, pour demander simplement son intervention diplomatique. N’est-ce pas là une preuve irréfutable que la loyale Belgique n’avait cherché par