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réel, mais son existence cachée n’a pas supporté l’épreuve de la lumière. Le roi Carol n’avait pas outrepassé son droit constitutionnel en signant cette convention inutile, comme le prouvait le contre-seing du ministre responsable. Pourquoi ce qui est permis en Roumanie ne l’était-il pas en Belgique ?

Pour une raison péremptoire : la Roumanie n’est pas un État neutre comme la Belgique. Le roi Carol pouvait choisir ses alliances secrètes, suivant les calculs de sa politique ou les impulsions de son atavisme, un roi des Belges ne le pouvait pas. Les actes diplomatiques sanctionnés par nos Princes ont toujours été accomplis en plein soleil. A supposer, ce qui serait faire injure à sa mémoire, que le roi Léopold n’eût pas voulu observer les traités de 1839, ou que le roi Albert, qui est l’honneur même, ait eu une pensée aussi noire, ni l’un ni l’autre n’aurait trouvé de ministre pour contre-signer une convention occulte avec la France, l’Angleterre ou l’Allemagne.. Sans la signature d’un ministre belge responsable, aucun acte du Roi ne peut avoir d’effet, dit formellement l’article 64 de notre constitution. Un traité revêtu seulement du seing royal n’aurait été qu’un de ces chiffons de papier immortalisés par M. de Bethmann-Hollweg.

Un traité secret, alors que notre gouvernement délibère, discute, agit au grand jour, sous le contrôle vigilant de l’opposition parlementaire et de l’opinion publique ! Une convention militaire, négociée pour la défense du pays, — ce qui ne dépasserait pas le droit, d’après la doctrine courante, d’un État neutralisé, — mais en opposition avec la conviction enracinée chez nous jusqu’ici de la vertu souveraine de notre neutralité ! Un engagement mystérieux, contraire à l’esprit amical et confiant qui présidait à nos relations avec chacune des Puissances garantes ! Pas un des hommes d’État qui ont eu l’honneur de succéder aux Frère-Orban, aux Malou, aux Beernaert, nos grands ministres d’autrefois, n’aurait consenti, j’en suis persuadé, à y apposer sa signature.


II

A deux reprises, durant ces dernières années, des attachés militaires britanniques à Bruxelles ont fait motu proprio des démarches auprès d’officiers supérieurs belges, à l’effet de savoir