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dit à la Chambre, et cette Chambre, qui était pourtant la créature de M. Giolitti, l’en a approuvé. Elle a éclaté en applaudissemens frénétiques lorsque M. Salandra a fait appel à ce que nous appelons en France l’ « union sacrée » en face de l’ennemi. « Sans emphase et sans orgueil, a-t-il dit, mais comprenant la grave responsabilité qui nous incombe à cette heure, nous avons conscience d’avoir satisfait aux plus nobles aspirations et aux intérêts les plus vitaux de notre patrie ; en son nom et par dévouement pour elle, nous adressons notre appel fervent et ému au Parlement et, par-delà le Parlement, au pays, pour que tous les dissentimens s’apaisent et que, sur eux, de tous côtés descende sincèrement l’oubli… A partir d’aujourd’hui, nous devons oublier toute autre considération et nous rappeler seulement celle-ci : être tous des Italiens, aimer tous l’Italie avec la même force et la même ferveur. » Ce sont là de nobles paroles : elles ont été entendues et le pays tout entier a vibré à l’unisson de son gouvernement. Les cris redoublés de : « Vive le Roi ! Vive l’Italie ! Vive l’armée ! » ont couvert les dernières paroles de l’orateur.

Cette date du 4 mai, qui est celle de la dénonciation de l’alliance, est la veille du 5, jour où a eu lieu la fête de Quarto, à laquelle le Roi et son gouvernement devaient se rendre et où ils ne sont pas allés. On comprend aujourd’hui une abstention qui avait étonné quand elle s’est produite. Évidemment, le gouvernement ne pouvait pas quitter Rome le 5 mai. Il pouvait croire, en effet, qu’à la notification de la rupture de l’alliance, l’Autriche répondrait par un acte non moins décisif et, qui sait ? peut-être par une déclaration de guerre immédiate. Il a dû éprouver quelque surprise lorsqu’il a vu que, loin d’en venir aux mesures extrêmes, l’Autriche-Hongrie faisait des propositions transactionnelles un peu plus favorables que les précédentes : c’étaient celles sans doute que le prince de Bülow a portées directement à la connaissance de M. Giolitti. Il s’agissait, en somme, d’élargir encore un peu la frontière concédée du Trentin et de faire de Trieste une ville libre, autonome. On était encore loin de compte ; l’écart entre les vues respectives des deux gouvernemens restait encore trop grand pour que l’accord devint possible ; mais cette démarche, faite in extremis par le gouvernement austro-hongrois montre qu’il n’avait jamais cru et qu’il ne croyait pas encore à la volonté de rupture de l’Italie : nouvelle preuve du défaut de psychologie qui a caractérisé ce gouvernement depuis le début de la crise, qu’il a déchaînée peut-être sans bien savoir ce qu’il faisait. Le malheur de l’Autriche est de se décider toujours trop tard. L’Italie ne