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Lenoncourt, à la cathédrale, pour tapisser l’intérieur de l’ancien chœur. Cette suite comprenait primitivement dix-sept pièces : l’une d’elles, destinée à servir de tenture à la porte du chœur, a toujours été beaucoup plus petite que ses voisines ; deux autres pièces, plus petites aussi, ont encore été rognées, on ne sait quand ni pourquoi : elles existent encore, mais elles ne figurent pas ici. Enfin, la troisième suite comprend deux des scènes de l’Evangile, tissées par Pepersack, à Reims, vers 1633. Les autres, étant demeurées à l’ancien archevêché de Reims, viennent d’être brûlées par les Barbares. Il se trouve heureusement que la suite qui a été détruite était la moins précieuse, mais on ne saurait faire un mérite aux canonniers allemands de n’avoir point détruit les autres : si doctes qu’on puisse les supposer, il est peu probable que leurs obus aient distingué entre les fils tissés au XVe et au XVIIe siècle.

Les exemples, ainsi réunis au Petit-Palais, représentent admirablement les trois principaux âges de la tapisserie, comme pour une leçon. Le passant le plus distrait et le moins versé dans cette étude y lit, comme à livre ouvert, ce qui caractérise chacun d’eux. Et, par « âges, » j’entends surtout trois règnes ou trois conceptions différentes de la tenture décorative, car elles ne se sont pas succédé toujours dans un rigoureux ordre chronologique. Ce sont, là, trois esthétiques très différentes et qui, dans l’ensemble de cet art, marquent bien les trois étapes par où il a passé. La première, représentée par l’Histoire du roi Clovis, est l’âge de la confusion ; la seconde, représentée par la Vie et Mort de la Vierge, est l’âge de l’harmonie ; la troisième, représentée par les deux tapisseries de Pepersack, est l’âge de l’ordre, mais, hélas ! de l’ordre dans le vide et la solitude. La première est la pléthore décorative, la seconde est la richesse décorative, et la troisième est le dénuement.

Considérons donc les compositions de la Vie et Mort de la Vierge, une à une, comme un des plus beaux ensembles d’images faites pour animer les murailles dans un sanctuaire. Justement, on les a disposées, ici, dans l’ordre où elles étaient autrefois, à la cathédrale de Reims, quand elles tapissaient l’ancien chœur, c’est-à-dire à droite, en entrant, l’Arbre de Jessé, qui est le premier tableau de la série, et à gauche, la Mort de la Vierge, qui en est le dernier, les douze autres pièces faisant le tour du chœur, interrompues seulement, derrière le