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Ces discours firent s’évanouir chez les Chinois tout espoir et donnèrent raison aux sceptiques, à ceux qui trouvaient tout à fait invraisemblable que le Japon eût fait une expédition, sacrifié des vies humaines et une centaine de millions de francs, tout simplement pour rendre, à la Chine, en l’espèce, à son vieil adversaire, qui en est en réalité le souverain, le fruit de sa propre conquête, et cela, surtout au moment où les Puissances, qui auraient pu être inquiètes d’une telle rupture de l’équilibre de leur château de cartes chinois, se trouvaient absorbées en Europe par la plus formidable des guerres. La position diplomatique de l’Empire insulaire allié de l’Angleterre, et plusieurs fois vainqueur de Puissances occidentales, n’était pas du tout la même qu’au temps peu éloigné où il avait dû rendre Port-Arthur à la Russie. En ces vingt années, sa puissance et son autorité dans le concert des nations avait fait assez de progrès pour que sa situation fût complètement différente.

Les Chinois de tous les partis s’inquiétaient. Ce n’était pas tant la substitution des Japonais aux Allemands qui provoquait leurs alarmes que la perspective de voir les premiers profiter de leur accroissement de forces pour parler en maîtres. Ces craintes ne tardèrent pas à se réaliser. Le 19 janvier 1915, le ministre du Japon à Pékin, dans une entrevue avec le Président de la République, tenait un langage dont la politesse enveloppait des menaces. Précédemment, une liste, en 21 articles, des desiderata japonais avait été secrètement remise au gouvernement chinois, le ministre, M. Hiochi, venait chercher la réponse. D’après la presse chinoise, ce diplomate aurait fait remarquer au Président qu’une grande partie du peuple japonais lui était très hostile, que ses adversaires politiques se montraient très actifs au Japon où ils étaient réfugiés et d’où ils fomentaient des complots contre lui, qu’il était absolument nécessaire qu’il accordât satisfaction aux réclamations du gouvernement japonais, s’il ne voulait voir celui-ci incapable d’arrêter les mouvemens qui avaient pour but de renverser sa dictature.

Ce dut être une cruelle désillusion pour le chef de l’Etat Chinois qui pouvait croire que le négociateur allait lui apporter une promesse d’empire, en échange de concessions économiques ou territoriales. Vraisemblablement, le Japon avait, pour le