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8 heures 30. — Nous entrons au vestiaire. Des jeunes filles sont là, classant des vêtemens, préparant des listes, méthodiques et précises, sans un mot superflu. On sent qu’elles ont coutume de se hâter utilement. D’autres les rejoignent, apportant d’autres listes. Je constate l’ordre parfait de ce service. Chaque dortoir est aux mains d’une dame responsable, qui, tous les matins, note soigneusement les besoins de ses habitans. Pour celle-ci, une chemise, une jupe, un corsage ; pour les enfans, des chaussures, un costume de garçon, un tablier, etc. On devine combien nombreuses les demandes et quelle abondance de ressources il faudrait au Comité pour y répondre complètement. Du moins, le nécessaire, l’indispensable est fait ici, et rien n’est donné au hasard, puisque les essayages sont surveillés par les dames responsables.

9 heures. — Après le déjeuner, visite médicale passée dans les dortoirs par le médecin-major. Nous suivons. Les enfans sont examinés individuellement, en vue du diagnostic de maladies contagieuses possibles. On en constate peu, à l’ordinaire. Mais ces enfans sont, pour la plupart, des anémiques, des déprimés, des prédisposés à toute maladie épidémique éventuelle, et en danger d’y succomber. Au reste, les statistiques médicales des premiers mois de 1915 sont là pour le prouver. Les enfans de réfugiés ne sont pas en état de santé normale, et, s’ils contractent une maladie aiguë, ils y résistent en faible proportion. La mortalité s’élève, dans nos hôpitaux, jusqu’ici, a trente pour cent sur les cas observés. J’ajoute que ces observations portent aussi bien sur les enfans de familles relativement aisées.

Pendant que se poursuit la visite, je lie conversation avec plusieurs jeunes femmes, çà et là. Presque toutes ont été amenées de Meurthe-et-Moselle, où elles habitaient des bourgs ou des villages situés non loin de la frontière. Plusieurs vivaient auprès de C…-J…, embranchement de chemin de fer sur la ligne de Metz. Il y a là une gare importante, point de concentration de troupes allemandes, lieu de passage pour des blessés, des malades, dont une partie est hospitalisée tout auprès, dans les anciennes casernes des chasseurs à pied. Les Allemands y avaient tout d’abord logé leurs chevaux, puis ils les ont fait nettoyer par les femmes pour y mettre des malades. Ces femmes me disent avoir vu souvent passer des wagons, fermés,