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couloirs blancs en sont tout égayés : « La France accueille ses enfans. » — « Les habitans de Thonon souhaitent la bienvenue à leurs compatriotes. »

Au rez-de-chaussée, salle de consultation et de pansement. Deux médecins militaires sont chargés de l’examen individuel des évacués, — particulièrement des enfans. Un vestiaire, que nous verrons fonctionner demain matin, est alimenté tant par des dons venant de la charité privée, notamment d’un comité français fondé à Lausanne, que par des envois du Comité de Secours national.

Au premier étage, les salles de la caserne, parfois aussi de larges galeries dont on a clos les extrémités, ont été transformées en dortoirs. Des draps blancs montrent les lits tout préparés pour les prochains occupans. Chaque jour, il faut refaire à nouveau ce travail. On voit là des lits de toute forme, dons ou prêts de provenance variée, — témoignage touchant de la générosité locale, en ce moment, les évacués se préparent au voyage. Après un dîner substantiel, ils se dirigeront vers la gare, où nous allons les attendre.

9 heures du soir. — Sous la pluie froide, nous pénétrons sur le quai. Le train est là, à destination de Perpignan. Voitures capitonnées avec couloirs intérieurs. Les familles commencent d’arriver, elles s’appellent, dans la demi-obscurité ; on se cherche, on garde des places. D’ailleurs, il y en a pour tout le monde, et les compartimens ne seront pas complets, afin de permettre à quelques femmes de s’étendre un peu, car on va voyager plus d’une nuit.

Ceux qui sont là étaient venus pour la plupart de Raismes, au Nord de la France. Ils ont séjourné presque tous en Belgique, quelque temps, comme ceux du Pas-de-Calais que j’ai vus à Schaffouse. Mais nous n’avons pas le loisir de causer : le train s’ébranle. Et à ce moment, comme sortant spontanément du fond même des cœurs, un cri s’élève, court le long de la voie, s’enfle au passage et se perd dans la nuit : « Vive la France ! »

« Vive la France ! » C’est encore le premier mot que je recueille, à moitié étranglé par l’émotion, des arrivans du convoi suivant. Sur le quai sombre, le train de 10 heures s’est arrêté ; une foule met pied à terre ; lentement, d’un pas lourd, des vieillards, des femmes pénètrent dans la salle qui sert de