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son collègue dans la même pensée, en m’entretenant avec lui des conséquences européennes, encore impossibles à prévoir, qu’aurait cet effroyable événement.

Dès le lendemain, le ton de la presse berlinoise, commentant le drame de Serajevo, fut très menaçant. Elle s’attendait de la part du Cabinet de Vienne à une demande immédiate de satisfactions formulée à Belgrade, si des sujets serbes, comme elle le croyait, se trouvaient impliqués dans la genèse et l’exécution du complot. Mais jusqu’où iraient ces satisfactions et sous quelle forme seraient-elles exigées ? Toute la question était là. La nouvelle, lancée par l’officieux Lokal Anzeiger, d’une pression exercée par le ministre d’Autriche-Hongrie, en vue d’obtenir du gouvernement serbe l’ouverture de poursuites contre les menées anarchistes dont l’archiduc et sa femme avaient été victimes, ne surprit personne, mais ne fut pas confirmée. Tout au contraire un vent d’apaisement parut bientôt souffler de Vienne et de Budapest, qui calma subitement l’excitation des journaux. Un mot d’ordre sembla avoir été donné de laisser se refroidir la colère et l’émoi du public. Le gouvernement austro-hongrois, nous apprenaient les agences télégraphiques, procédait avec calme à l’instruction du procès des meurtriers. Le langage tenu à Vienne au corps diplomatique par le comte Berchtold, à Budapest au Parlement par le comte Tisza, était rassurant et permettait de compter sur un dénouement pacifique.

A la Wilhelmstrasse aussi, on s’exprimait en termes très mesurés sur les sanctions qui seraient demandées à la Serbie. M. Zimmermann, sans avoir connaissance, me disait-il, des résolutions arrêtées à Vienne, pensait qu’une démarche ne serait faite à Belgrade qu’après que le gouvernement austro-hongrois aurait réuni les preuves de la complicité de sujets ou de sociétés serbes dans la préparation du crime de Serajevo. Le sous-secrétaire d’Etat s’était expliqué dans le même sens avec l’ambassadeur de Russie, accouru pour l’entretenir des craintes que lui inspirerait, en vue du maintien de la paix, toute tentative de contraindre la Serbie à prendre des mesures contre les sociétés serbes, si elles étaient accusées de menées insurrectionnelles en Bosnie et en Croatie. M. Zimmermann avait déclaré à M. de Sverbéew qu’à son sentiment le meilleur conseil à donner à Belgrade était de mettre fin à l’activité néfaste de ces sociétés