Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En faut-il induire que le bon Théo manqua de gratitude pour son cicérone bénévole, ou que celui-ci ne sut pas gagner la bonne grâce du visiteur ? Les caractères étaient si différens qu’ils pouvaient bien ne pas se complaire. Un détail le donnerait à penser. On sait le mot cruel qui plus tard fut attribué à Théophile Gautier, à propos de la Grèce contemporaine, dont il aurait dit que le livre semblait avoir été écrit par le portier du Parthénon. Mais le racontar est-il bien exact ?

A la même époque que Théophile Gautier traversait Athènes, un autre Français illustre, David d’Angers, le père David, comme dit assez familièrement About, y séjourna plusieurs mois, dans la ville ou aux environs. Nous aurons plus loin l’occasion de revenir sur cet événement, qui ne fut pas sans troubler l’existence d’About. Disons seulement que, selon le propre aveu de celui-ci, c’est lui qui, à quelques semaines de distance, amena Théophile Gautier chez la duchesse de Plaisance, qui, elle, présenta About à David d’Angers. C’était une singulière physionomie que Sophie de Barbé-Marbois, duchesse de Plaisance. Venue en Grèce par goût de la vie indépendante, elle y était restée à la suite de la mort d’une fille bien-aimée et s’y faisait remarquer par les contrastes de son esprit. Aimant à bâtir, elle avait un penchant particulier pour les architectes français et rêvait de faire construire par l’un d’eux, au sommet du Pentélique, un gigantesque autel au Dieu d’une religion dont elle était l’inspiratrice. Entre tous, Garnier lui avait plu, pour sa bonne humeur et pour son talent. Les nouvelles de la duchesse de Plaisance ne pouvaient donc pas être indifférentes au jeune architecte, qui écrivait peu de temps après, à About, pour lui demander des renseignemens plus techniques. Celui-ci se hâta de répondre, et, le 20 décembre 1852, il envoyait à Garnier une longue lettre, contenant d’abord des indications sur les inscriptions grecques qui pouvaient être mises sur la restauration du temple d’Egine. Nous laissons de côté cette dissertation épigraphique, à laquelle l’auteur lui-même ne semble prêter que peu de valeur. Il continuait ainsi :

« Voilà, mon cher Garnier, ce que vous me demandez ; mais la sagesse de Beulé et la mienne espèrent que vous ne vous servirez point de tout cela, et que vous vous abstiendrez de ce chipotage archéologique. Vous avez assez de talent pour faire une restauration très belle sans aucune espèce d’inscription.