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suffisans pour reconstituer sa maîtrise. Et habituée, comme elle l’est, à n’admettre ni les contrariétés, ni les obstacles, elle ne tarde pas à s’imaginer que, toute-puissante à Constantinople, elle n’aura pas de peine à régler de nouveau avec son alliée de Vienne et de Pesth, comme avec ceux des États balkaniques qui seront assez intimidés ou assez intéressés pour la suivre, les destinées de l’Orient. Elle se promet de réviser tout ce qui, dans les derniers arrangemens de Londres et de Bucarest, lui est contraire ou fâcheux et de rendre à l’Autriche-Hongrie, au besoin à la Turquie elle-même, tout le prestige et aussi toutes les réalités que la dernière crise leur a fait perdre. — L’empereur Guillaume II s’entend là-dessus avec l’archiduc héritier d’Autriche-Hongrie, ainsi qu’avec le comte Tisza, qu’il regarde comme ses deux premiers lieutenans. Quant à la Russie et à l’Europe, il est persuadé que, comme en 1909-1910, elles laisseront faire. Il a un instant l’idée, dès l’été de 1913, d’agir sans retard. L’Autriche-Hongrie s’ouvre alors auprès de l’Italie d’un projet visant et menaçant déjà la Serbie. Mais l’Italie décline nettement cette ouverture, l’Autriche-Hongrie se résigne à attendre, et Guillaume II emploie le reste de l’année 1913 à célébrer dans ses harangues la grande guerre de 1813, l’anniversaire de Leipzig, les alliés du siècle passé. Jamais les discours du souverain qui venait d’achever le quart de siècle de son règne n’avaient plus senti la poudre ni plus ostensiblement montré la pointe de l’épée. Au mois de novembre de 1913, dans une visite que le roi des Belges lui faisait à Berlin, l’empereur Guillaume II n’hésita pas à déclarer au roi Albert 1er que la guerre lui paraissait inévitable et prochaine. L’Empereur l’avait non seulement préparée, mais résolue. Il ne lui restait qu’à en fixer l’heure.


X

Dans cette fixation de l’heure, l’Allemagne était dominée surtout par la pensée de ne pas laisser les forces militaires de la France et de la Russie s’accroître au point de devenir dangereuses pour l’exécution de ses propres projets et de ne pas s’exposer à voir la Grande-Bretagne se joindre aux Alliés.

L’Empereur conclut en 1914, après le vote de la loi militaire française, qui n’était, d’ailleurs, qu’une riposte aux dernières lois militaires allemandes, et lorsque le réseau ferré de