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indéfinie du commerce et de l’industrie, de l’autre l’accomplissement, au dehors, de vastes entreprises à la fois politiques et économiques, destinées à créer à l’Empire, sur les points importans du globe, des intérêts internationaux considérables, des prétextes ou moyens de s’étendre, de se ramifier et d’agir.

Les résultats n’apparaissent pas tout d’abord. Le prince de Bülow révèle aujourd’hui le soin jaloux que l’Empire, sinon l’Empereur, a pris de ne pas se découvrir trop tôt et d’éviter, en particulier, toutes difficultés avec l’Angleterre jusqu’à ce que le programme naval fût en voie d’achèvement et jusqu’à ce que la flotte fût prête. De même, dans le développement de l’œuvre coloniale, l’Allemagne a, à plusieurs reprises, cherché à s’assurer, soit en Afrique, soit sur le Pacifique, la bonne volonté ou même le concours de l’Angleterre. Enfin la haute finance allemande a, le plus souvent, et tout en poursuivant ses propres desseins, manœuvré de manière à n’avoir pas contre elle les grands établissemens britanniques, dont parfois même la participation lui a été acquise.

Pendant près de vingt-cinq ans l’Allemagne, en se ceignant les reins, en s’armant sur terre, sur mer, dans ses ports, ses comptoirs, ses chantiers, ses usines, ses maisons de commerce et ses banques pour la conquête du monde, a affiché une politique de paix. L’Empereur lui-même, parmi les thèmes variés et contradictoires dans lesquels se complaisait son éloquence, s’il évoquait souvent les souvenirs de 1813, de Waterloo et de 1870, s’il y avait parfois de la poudre sèche dans ses discours, a, dans mainte circonstance, accordé ses paroles sur la lyre de la paix. Lorsque, à son jubilé de 1913, M. Carnegie vint le féliciter de ce quart de siècle ainsi franchi, c’était encore la paix qui lui servait d’auréole. — Mais le germe déposé dès le principe dans la politique d’hégémonie et qui, dans une certaine mesure contenu jusqu’au printemps de 1890, avait pris depuis lors libre cours, s’était pleinement épanoui. Ce ne sont pas, comme l’Allemagne s’efforce maintenant de le faire croire, les souffles et les orages du dehors qui ont hâté l’éclosion. L’éclosion s’est faite brusquement lorsque l’Allemagne et son alliée ont été prêtes et ont jugé l’heure favorable.