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réponse qui lui a été faite est qu’elle a causé un profond étonnement.

On avait cru que, le coup de main ayant d’ailleurs échoué, le gouvernement bulgare s’empresserait de le désavouer, d’en punir les auteurs, d’en prévenir le retour au moyen d’une plus grande surveillance exercée sur la frontière ; mais on était loin de compte et M. Radoslavof a présenté de l’incident une version inopinée. — Il est dû tout entier, a-t-il dit, à la situation intérieure de la Serbie. Les populations macédoniennes annexées à la Serbie par le traité de Bucarest sont naturellement en état de révolte contre le joug odieux qui pèse sur elles. Les Turcs en particulier ne veulent pas le supporter plus longtemps et ils se soulèvent. Les Serbes prétendent que leur territoire a été envahi par des bandes venues de Bulgarie : c’est le contraire qui est vrai. Les insurgés serbes, poursuivis rudement par les troupes serbes, se sont réfugiés sur le territoire voisin. Le gouvernement bulgare pouvait-il leur refuser asile ? L’humanité ne le permettait pas. Mais que la Serbie y prenne garde ; des faits du même genre peuvent se renouveler, et si le gouvernement serbe ne prend pas des mesures sérieuses pour que ses troupes, lancées à la poursuite des rebelles, ne passent pas la frontière bulgare, « les conséquences pourraient être excessivement graves. » — On croit entendre le gouvernement allemand déclarer au gouvernement russe que, s’il s’oppose à l’exécution de la Serbie, des « conséquences incalculables en résulteront, » et en effet il ne les avait pas calculées. Ainsi le gouvernement serbe s’attendait à ce qu’on lui exprimât des regrets, et on lui adresse une menace. On s’est demandé s’il donnerait suite à l’incident. Il n’en a rien fait jusqu’à présent, et le mieux sans doute est qu’il soumette la cause aux Puissances dont.le jugement ne saurait être douteux. La Serbie, l’alliée de l’Angleterre, de la Russie et de la France, doit combiner, non seulement ses mouvemens militaires, mais sa politique avec celle de ces Puissances. C’est à celles-ci qu’il appartient de décider ce qu’il convient de faire. Mais il importe que la Bulgarie sache, à n’en pouvoir douter, que la Serbie est leur alliée, avec toutes les sanctions que ce mot comporte. Et sur ce point il est inutile d’en dire davantage. M. Radoslavof a déclaré, tout récemment encore, que la Bulgarie était et resterait neutre : nous ne lui demandons pas davantage, mais nous n’en exigeons pas moins. En tout cas, elle aurait tort de toucher à la Serbie. Si elle le faisait, nous ne mettons pas en doute que la Grèce interviendrait aussitôt. On peut comprendre que le gouvernement hellénique n’ait pas jugé le moment opportun pour