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des petits à celui qui incarnait la fortune de la France. Les généraux se querellaient, les gens d’affaires s’impatientaient, les politiciens complotaient, mais eux, les simples, ils grognaient toujours et suivaient quand même. Tant il est vrai que l’histoire se recommence ! Car un des enseignemens les moins contestables qui dès maintenant se dégagent de la guerre actuelle, c’est qu’elle aura été, une fois de plus, la glorification de la France moyenne et de l’humble France. Petits bourgeois, ouvriers, paysans, ce sont eux qui, dès le premier jour, ont été sublimes de courage, d’abnégation, d’entrain, et qui méritent aujourd’hui plus que jamais d’être admirés pour leur patience et leur endurance. La même énergie que montrent les combattans dans les tranchées, on la retrouve chez ceux, vieillards et femmes, qui sont restés au foyer et que ne lassent ni les difficultés de la vie ni l’angoisse. Il est hors de doute que tous, dans ce pays grandi par l’épreuve et uni devant le danger, sauront faire jusqu’au bout tout leur devoir. Mais si quelque défaillance était à redouter, on peut être assuré qu’elle ne viendrait pas de la classe moyenne et de la France des petits…C’est pourquoi nous avons fait fête encore une fois à Flambeau. Aussi bien que les grognards de l’Empire, nous avons salué en lui leurs cadets, dignes des aînés, les jeunes grognards qui, au neuvième mois d’une guerre sans précédent, auraient le droit d’être « fatigués, » — et qui, eux non plus, ne se plaignent pas.


« Le style est maudit en mille endroits : de grandes périodes de roman, de méchans mots, je sens tout cela… et je ne laisse pas de m’y prendre comme à de la glu. La beauté des sentimens, la violence des passions, la grandeur des événemens et le succès miraculeux de leur redoutable épée, tout cela m’entraîne comme une petite fille. » Ce que Mme de Sévigné disait des romans-feuilletons de son temps, nous serions prêts à le redire des mélodrames du nôtre, ou plutôt du temps qui nous a précédés, car nos auteurs dramatiques n’ont plus le tour de main qu’exigeait le vieux mélo ; Et c’est dommage. L’Ambigu s’est avisé d’exhumer une antique production due à la verve combinée d’Anicet Bourgeois et Michel Masson : Marceau ou les enfans de la République. J’y suis allé, un dimanche, en matinée. Vous vous tromperiez si vous croyiez que la représentation n’avait attiré qu’un public de quartier. L’assistance était fort distinguée. J’y ai reconnu plus d’un spectateur que je tiens pour un fin lettré et dont je sais par ailleurs les intimes angoisses. Ils étaient venus chercher à ce spectacle, d’un art sommaire et savant, une diversion naïve et violente.