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avait manifesté l’intention de prendre un congé. Mais, ici encore, il ne disait pas la vérité, ainsi qu’on peut s’en rendre compte en se rappelant que la lutte entreprise par lui contre le clergé catholique d’Allemagne était entrée dans sa période la plus active. Elle nécessitait impérieusement sa présence à la tête des affaires et d’autant plus que dans sa hâte d’atteindre le but qu’il s’était proposé, il s’efforçait d’intimider les pays où des manifestations contre sa politique s’étaient produites. Déjà, il s’était plaint vivement au Cabinet de Paris des lettres écrites par l’épiscopat français à l’épiscopat allemand pour rendre hommage à sa résistance, et pour l’encourager. Maintenant, il s’en prenait à la Belgique et à l’Italie où l’attitude du clergé avait été la même qu’en France. Il adressait aux deux gouvernemens de vives protestations. À la Belgique, il rappelait les devoirs de la neutralité en lui laissant entendre que cette neutralité était violée par les mandemens des évêques belges. A Rome, il ne se montrait pas moins exigeant. Le Pape ayant blâmé publiquement la conduite du Cabinet de Berlin, le chancelier prétendait rendre responsable le gouvernement de Victor-Emmanuel du langage de Pie IX. Comme le Quirinal lui objectait que la loi des garanties, qui a consacré l’indépendance du Saint-Siège, ne lui permettait pas d’intervenir, il demandait que cette loi fût modifiée, et que le Souverain Pontife, traité comme un simple évêque, reçût l’ordre de ne plus écrire de discours désagréables au Cabinet de Berlin. Mais l’Italie et la Belgique ne se laissaient pas intimider, assurées d’ailleurs de l’appui du gouvernement anglais. Alors s’engageaient des négociations laborieuses, à l’issue desquelles Bismarck était obligé de constater qu’en dépit de ses exigences, il n’avait rien obtenu de ce qu’il voulait et n’obtiendrait rien.

Toutes ces démarches avaient leur écho à Paris où nos agens les faisaient connaître. Le gouvernement français ayant fait appel au patriotisme de nos évêques, ceux-ci n’avaient pas renouvelé à l’épiscopat allemand les témoignages de leur sympathie et, sur ce point, l’agitation de Bismarck avait paru se calmer en ce qui touchait la France. Mais, sur la question des arméniens, il continuait à exercer ses tentatives d’intimidation. Les rapports de nos agens apportaient au duc Decazes, ministre des Affaires étrangères, des preuves non équivoques de la campagne diplomatique entreprise à travers l’Europe par