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armées allemandes ont essayé de reprendre l’offensive sur tel ou tel point du front. Partout et toujours, elles ont rencontré devant elles, avec un commandement toujours prêt, des troupes souvent inférieures en nombre, mais bien décidées à se laisser tuer sur place plutôt que de reculer. Il n’y a rien qui fasse plus d’honneur à l’armée française que les batailles d’Ypres et de l’Yser où nos soldats ont opposé à la ruée sur Calais une barrière infranchissable. Il n’y a peut-être pas, dans cette guerre qui aura été un renouveau de l’héroïsme français, de page plus glorieuse que cette défense de Dixmude contre trois corps allemands par nos 6 000 fusiliers marins aidés de 5 000 Belges. La race des « braves gens » n’est pas éteinte, et il y a lieu de croire que, dorénavant, nos ennemis parleront moins facilement de la décadence française.

Nous autres, si nous ne parlons pas de la décadence, nous pourrons parler tout au moins de la folle présomption et de l’imprévoyance allemandes. Ils avaient, au point de vue matériel, préparé la guerre, — une guerre très courte, — dans le dernier détail. Pleins de confiance dans la force brutale, leur force, ils avaient entièrement négligé de préparer la guerre au point de vue diplomatique, et, en dépit de tous les avertissemens loyalement donnés, ce leur fut une terrible surprise de voir l’Angleterre intervenir dans le conflit. Ils avaient outrageusement méprisé toutes les puissances d’opinion, laissant, comme l’a dit Maximilien Harden, à la victoire le soin de les justifier ; et, en dépit de leur propagande effrénée auprès des neutres, ils ont vu peu à peu l’opinion du monde entier se retourner contre eux. Ils avaient, pour briser les résistances, spéculé sur la lâcheté humaine et répandu systématiquement la terreur ; les seuls sentimens qu’ils aient réussi à faire naître, c’est l’horreur, l’indignation, la haine courageuse, vengeresse et inexpiable. Ils ont voulu user la volonté de l’adversaire, et ils n’ont abouti qu’à la tendre au-delà des limites connues. Ayant échoué dans leur attaque brusquée, ils ont voulu