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qui rapportait près de deux milliards de produit net au Trésor public. Le Tsar a montré que son courage de chef d’Etat n’était pas inférieur au courage militaire de ses glorieuses armées, en supprimant cette ressource au moment où une lutte gigantesque en exigeait de colossales. La suppression de la plaie de l’alcoolisme parait avoir, à elle seule, compensé à peu près, au point de vue économique, les maux causés par la guerre. Elle a amené en Russie une augmentation de la productivité du travail, une diminution de la misère, qui atténuent singulièrement la crise inévitable dans un pays où une grande partie des hommes valides est appelée sous les drapeaux.

Sans demander au législateur français une pareille énergie, nous ne croyons pas aller trop loin en signalant la nécessité absolue de rechercher un fort produit de l’impôt sur l’alcool dans l’élévation de la taxe unitaire, et non dans le développement de la matière imposable, c’est-à-dire de la plaie la plus grave des sociétés modernes ; il ne faut même pas craindre, au besoin, d’aller jusqu’à diminuer le rendement de la taxe par la raréfaction des lieux de vente. Comme mesure accessoire fiscale, qui ne serait pas sans effet, nous signalerons l’interdiction de réunir un débit de tabac à un cabaret, qu’il sert à achalander ; une prescription administrative y suffirait.


A côté de l’alcoolisme, il est une autre cause d’infection de la race dont on éprouve quelque répugnance à parler publiquement et dont il importe pourtant de ne pas taire le danger, si on veut y remédier. C’est la syphilis, et avec elle les autres maladies secrètes, moins graves, mais diminuant fréquemment la fécondité des hommes ou des femmes qu’elles atteignent. Il semble bien que leur grande diffusion, de nos jours, soit, comme l’alcoolisme, une des plaies qui accroissent la mortalité à tout âge, notamment le nombre des mort-nés et celui des maladies congénitales amenant la mort de beaucoup d’enfans.

Contre ce mal, ce n’est pas par l’impôt, c’est par l’action de la police et de la justice qu’une action efficace peut être exercée. L’autorité publique ne saurait pas plus imposer les bonnes mœurs que la sobriété. Mais elle peut interdire la provocation publique, qui propage les mauvaises mœurs, la réprimer avec une sévérité particulière, si elle est faite par des personnes contaminées, enfin soumettre la prostitution à une